Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/56

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tude, se mit à parler de suite, pour défendre son trésor ; elle devint presque éloquente.

Barnave écoutait et ne disait mot. Le roi, avec sa bonhomie ordinaire, s’avisa, sans à-propos, de lui adresser la parole ; il lui parla de l’Assemblée, sujet agréable au jeune orateur ; c’était le replacer sur le champ de ses triomphes. La politique générale vint ensuite, et Barnave défendit ses opinions avec infiniment de ménagement et de respect.

Pétion faisait un contraste de familiarité cynique, qui profitait fort à Barnave. Le roi ayant eu occasion de dire qu’il n’avait agi que pour le bien, « puisque après tout la France ne pouvait être république » : — « Pas encore, il est vrai, dit sèchement Pétion, les Français ne sont pas encore tout à fait assez mûrs… » Il se fit un grand silence.

Ce n’est pas tout. Le dauphin, qui allait et venait, s’était d’abord arrangé entre les jambes de Pétion. Celui-ci, paternellement, lui caressait ses boucles blondes, et parfois, si la discussion s’animait, les tirait un peu. La reine fut très blessée ; elle reprit vivement l’enfant, qui, suivant son instinct d’enfant, alla juste où il devait être le mieux reçu, sur les genoux de Barnave. Là, commodément assis, il épela à loisir les lettres que portait chaque bouton de l’habit du député, et réussit à lire la belle devise : « Vivre libre ou mourir. »

Ce petit tableau d’intérieur, qui l’eût cru ? roulait, paisible, à travers une foule irritée, parmi les cris, les menaces. À force de les entendre, on ne les