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beaucoup le couvent des Miramionnes, l’un des principaux foyers du fanatisme d’alors. Femmes aimables, passionnées, puissantes par leurs vertus, elles enveloppaient La Fayette, lui faisaient une sorte de douce guerre qui n’en était que plus terrible. Mme de La Fayette surtout ne lui pardonnait pas de se constituer le geôlier du roi. Sa résignation pieuse ne put triompher de ce sentiment ; elle partit de Paris, en mai 1791, brusquement, s’enfuit en Auvergne[1]. Ce départ subit amusa les Parisiens ; on le rapprochait de celui de la duchesse d’Orléans, qui, justement à la même époque, fuyait également son mari.

Une autre cause aussi l’éloignait sans doute. Elle devait être fatiguée de l’enthousiasme romanesque dont les dames obsédaient le héros des deux mondes. Beaucoup déclaraient nettement qu’elles en étaient amoureuses, qu’elles ne pouvaient vivre sans son portrait. C’était un dieu, un sauveur. Et c’était à ce titre qu’elles le priaient et suppliaient de sauver la royauté. « Ah ! monsieur de La Fayette, sauvez-nous le pauvre roi. » Tout raisonnable, tout flegmatique, froidement Américain que parût le blond général, il était excessivement embarrassant et difficile, au plus sage même des hommes, de voir tant de belles dames pleurer en vain à ses genoux.

Les femmes, il faut le dire, se montraient en tout ceci bien plus décidées que les hommes. Eux, ils flottaient dans les idées ; elles, elles suivaient le

  1. Voir les Lettres de Madame Roland à Bancal. Voir aussi La Fayette, III, 177.