Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/89

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les bras au col : « Laissez-le, dit-elle, laissez, qu’il suive sa destinée ! »

Ainsi elles ont glorieusement consacré le mariage et l’amour, soulevant le front fatigué de l’homme en présence de la mort, lui versant la vie encore, l’introduisant dans l’immortalité…

Elles aussi, elles y seront toujours. Toujours les hommes qui viendront regretteront de ne point les avoir vues, ces femmes héroïques et charmantes. Elles restent associées, en nous, aux plus nobles rêves du cœur, types et regret d’amour éternel !

Il y avait comme une ombre de cette tragique destinée dans les traits et l’expression de Condorcet. Avec une contenance timide (comme celle du savant toujours solitaire au milieu des hommes), il avait quelque chose de triste, de patient, de résigné.

Le haut du visage était beau. Les yeux, nobles et doux, pleins d’une idéalité sérieuse, semblaient regarder au fond de l’avenir. Et cependant son front, vaste à contenir toute science, semblait un magasin immense, un trésor complet du passé.

L’homme était, il faut le dire, plus vaste que fort. On le pressentait à sa bouche un peu molle et faible, un peu retombante. L’universalité, qui disperse l’esprit sur tout objet, est une cause d’énervation. Ajoutez qu’il avait passé sa vie dans le dix-huitième siècle, et qu’il en portait le poids. Il en avait traversé toutes les disputes, les grandeurs et les petitesses. Il en avait fatalement les contradictions. Neveu d’un évêque tout jésuite, élevé en partie par ses soins,