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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/90

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il devait beaucoup aussi au patronage des La Rochefoucauld. Quoique pauvre, il était noble, titré, marquis de Condorcet. Naissance, position, relations, beaucoup de choses le rattachaient à l’ancien régime. Sa maison, son salon, sa femme, présentaient le même contraste.

Mme de Condorcet, née Grouchy, d’abord chanoinesse, élève enthousiaste de Rousseau et de la Révolution, sortie de sa position demi-ecclésiastique pour présider un salon qui était le centre des libres penseurs, semblait une noble religieuse de la philosophie.

La crise de juin 1791 devait décider Condorcet, elle l’appelait à se prononcer. Il lui fallait choisir entre ses relations, ses précédents d’une part, et de l’autre ses idées. Quant aux intérêts, ils étaient nuls avec un tel homme. Le seul peut-être auquel il eût été sensible, c’est que, la république abaissant toute grandeur de convention et rehaussant d’autant les supériorités naturelles, sa Sophie se fût trouvée reine.

M. de La Rochefoucauld, son intime ami, ne désespérait pas de neutraliser son républicanisme, comme celui de La Fayette. Il croyait avoir bon marché du savant modeste, de l’homme doux et timide, que sa famille d’ailleurs avait autrefois protégé. On allait jusqu’à affirmer, répandre dans le public que Condorcet partageait les idées royalistes de Sieyès. On le compromettait ainsi, et en même temps on lui offrait comme tentation la perspective d’être nommé gouverneur du dauphin.