Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/280

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tion déclara : « Que tout peuple qui voudrait être libre trouverait en elle appui, fraternité. »

Par ce mot seul, le drapeau de la France était constitué celui du genre humain, celui de la délivrance universelle. Sous lui, l’Escaut, fermé depuis près de deux siècles, coulait enfin libre à la mer. Le Rhin, captif sous ses cent forteresses, reprenait espérance, en voyant dans son sein les trois saintes couleurs que Mayence mirait sous ses eaux. La Savoie les avait placées à la cime du Mont-Blanc ; l’Europe, émue d’amour et de terreur, les voyait briller sur sa tête dans les neiges éternelles, dans le ciel et le soleil. Le monde des pauvres et des esclaves, le peuple de ceux qui pleurent, tressaillaient à ce grand signe ; ils y lisaient distinctement ce que lut jadis Constantin : « Par ce signe tu vaincras. »

Il n’y eut qu’un peuple aveugle, hélas ! Faut-il le dire ? Nous voudrions nous arrêter ici. Et pourtant, que le cœur soit oppressé ou non, il faut ajouter cette chose. Au moment où le monde s’élance vers la France, se donne à elle, devient Français de cœur, un pays fait exception ; il se rencontre un peuple si étrangement aveugle et si bizarrement égaré qu’il arme contre la Révolution, sa mère, contre le salut du peuple, contre lui-même. Et, par un miracle du diable, cela se voit en France ; c’est une partie de la France qui donne ce spectacle : ce peuple étrange est la Vendée.

Au moment où les émigrés, amenant l’ennemi par la main, lui ouvrent les frontières de l’Est, le 24 et