Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/410

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souliers ni habillements d’hiver, n’ayant ni pain ni eau-de-vie, encore à jeun à midi, après une nuit glaciale dans une plaine marécageuse, s’élancèrent de ce marais et, gravissant la montagne, forcèrent les triples redoutes que défendaient, couverts de trois étages de feux, les grenadiers de Hongrie.

Ô jeunesse ! ô espérance ! force infinie de la conscience et du sentiment du droit !… qui pourrait y résister ?… Nos volontaires eurent bien un moment d’hésitation, quand, sur ce rude escarpement, ils rencontrèrent face à face les furieuses bouches de bronze, la mitraille à bout portant. Ils se ramassèrent sur eux-mêmes et trouvèrent quelque chose en eux qui leur fit une âme de fer… Quelle ? Le droit du genre humain, et cette voix tonnante de la France : « Le droit ne peut reculer. »

Le Droit marcha aux redoutes et les emporta. Il entra avec les nôtres dans les rangs des vaincus. La Liberté, en les frappant, les émancipa, elle en fit des hommes libres. La France sembla avoir frappé moins sur eux que sur leurs fers. Les Belges furent affranchis d’un coup. Les Allemands firent leurs premiers pas dans une carrière nouvelle ; leur défaite de Jemmapes fut l’ère de leurs libertés. Il fallut bien, dès lors, que leurs princes les traitassent en hommes, puisqu’ils leur demandaient sans cesse ce qui est le plus haut signe de l’homme, le dévouement et le sacrifice[1]

  1. Les Hongrois, spécialement, prirent d’un grand cœur la Révolution française. Dès 1794, elle eut parmi eux des martyrs. Fait précieux, inestimable,