Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/65

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voulut enrayer. Enrayer ! Mais avec quoi ? Avec la royauté même. Pour arrêter sa chute, elle prit justement le poids fatal qui devait la précipiter.

Vergniaud rentra, l’air abattu, pour donner à l’Assemblée l’avis de la commission extraordinaire qu’elle avait créée exprès. Le grand orateur souffrait de ne reconnaître la confiance du roi réfugié dans l’Assemblée que par une mesure rigoureuse. La chose semblait dure, inhospitalière. « Je m’en rapporte, dit-il, à la douleur dont vous êtes pénétrés, pour juger s’il importe au salut de la patrie que vous adoptiez cette mesure sur-le-champ. Je demande la suspension du pouvoir exécutif, un décret pour la nomination du gouverneur du prince royal. Une Convention prononcera sur les mesures ultérieures… Le roi sera logé au Luxembourg. Les ministres seront nommés par l’Assemblée nationale. »

À ce moment même, le peuple revint obstiné, frappa à la porte. « La déchéance ! la déchéance ! » c’était encore le cri de nouveaux pétitionnaires.

À quoi Vergniaud répondit que l’Assemblée avait fait tout ce que ses pouvoirs lui permettaient de faire, que c’était à la Convention de prononcer sur la déchéance.

Ils s’en allèrent en silence, mais non satisfaits. L’Assemblée, tout en disant qu’elle ne décidait rien, n’allait-elle pas préjuger audacieusement l’avenir par la nomination d’un gouverneur de l’héritier du trône, lorsqu’il restait incertain s’il y aurait un trône encore ?