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Loger le roi au Luxembourg ! au lieu de Paris d’où il est le plus facile d’échapper dans la campagne !… Qui ne sait que le Luxembourg est assis sur les catacombes, et que, par vingt souterrains, il pouvait remettre la royauté sur le chemin de Varennes ? C’est ce qu’une section vint très justement représenter à l’Assemblée.

Celle-ci, quoi qu’elle pût faire, n’allait plus pouvoir marcher qu’à la suite de la Commune. Aux ministres girondins qu’elle rétablit, elle ajouta comme ministre de la justice l’homme de la Commune, Danton. Elle vota que les communes auraient droit de faire partout des visites domiciliaires pour savoir si les suspects n’avaient pas des armes cachées. C’était armer la nouvelle puissance, dont on se défiait tant tout à l’heure, d’une inquisition sans bornes.

Il était trois heures de nuit. En cette séance de vingt-sept heures, l’Assemblée, vaincue, près de la royauté vaincue, en réalité avait abdiqué.

Cette éclipse du premier pouvoir de l’État, du seul, après tout, qui fût reconnu de la France, était effrayante dans la situation. Le combat n’avait pas fini ; il durait encore dans les cœurs, ils restaient gonflés de vengeance. Le soir du 10, on avait en hâte jeté au cimetière de la Madeleine les cadavres des sept cents Suisses qui avaient été tués. Mais le nombre des morts était bien plus grand du côté des insurgés. Les Suisses généralement avaient tiré derrière de bonnes murailles ; les autres n’avaient eu que leurs poitrines pour parer les coups ; onze cents