La réquisition était l’épreuve et la pierre de touche, le vrai moment pour la Vendée. Sous l’Ancien-Régime, on ne venait jamais à bout d’y faire tirer la milice. Le Vendéen était enraciné dans le sol, il ne faisait qu’un avec la terre et les arbres de la terre. Plutôt que de quitter ses bœufs, sa haie, son enclos, il eût fait la guerre au roi. Tel le Bocage, tel le Marais. L’homme du Marais, qui vit entre un fossé et une mare, à moitié dans l’eau, adore son pays de fièvre. Forcer cet homme aquatique de venir à terre, c’est risquer de le rejeter plutôt dans la mer, le donner aux contrebandiers.
Le clergé parut donner au pays une sorte d’unité fanatique. Mais cette unité apparente tint aussi en grande partie à une passion commune qui animait ces populations diverses, à leur profond esprit local ; — passion contraire à l’unité.
Si la Vendée est une révolution, c’est celle de l’insociabilité, celle de l’esprit d’isolement. Les Vendées haïssent le centre, mais se haïssent elles-mêmes. Quelque fanatiques qu’elles soient, ce n’est pas le fanatisme qui a décidé le combat : c’est une pensée d’intérêt, c’est le refus du sacrifice. Le trône et l’autel, d’accord ; le bon Dieu et nos bons prêtres, oui, mais pour se dispenser de marcher à la frontière.
Écoutez l’aveu naïf de la proclamation vendéenne (fin mars) : « Point de milice ; laissez-nous dans nos campagnes… Vous dites que l’ennemi vient, qu’il menace nos foyers… Eh bien, c’est de nos foyers, s’il y vient jamais, que nous saurons le combattre… »