Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/439

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au comité de défense générale. Bréard, président de ce comité, Barère, le parleur ordinaire, dirent qu’on ne pouvait garder une lettre adressée à l’Assemblée, qu’il fallait la lui porter, lui demander l’accusation, l’arrestation de Dumouriez. C’était l’audace de la peur ; cette mesure violente eût eu l’effet de rallier l’armée à son général ; elle ne se doutait nullement de sa perfidie ; elle l’aurait cru victime des factions, et très probablement elle l’aurait défendu. Cette armée loyale et reconnaissante, qui croyait lui devoir les victoires qu’elle avait gagnées, eut besoin, pour s’arracher de Dumouriez, de le voir en rapport avec l’ennemi, que dis-je ? de le voir entouré, escorté des Autrichiens, dans leurs rangs, au milieu des détestés manteaux blancs… Jusque-là on ne pouvait rien. Ou, si les volontaires obéissaient au décret et mettaient la main sur lui, la ligne l’aurait défendu ; on eût eu l’affreux spectacle d’une bataille entre l’armée et l’armée, sous les yeux des Autrichiens, qui eussent tombé sur les deux partis.

Un seul membre s’opposa à l’arrestation de Dumouriez, et ce fut Danton : « Que faites-vous, dit-il au comité. Savez-vous bien que cet homme est l’idole de l’armée ? Vous n’avez pas vu, comme moi, aux revues, ses soldats fanatiques lui baiser les mains, les bottes !… Au moins faudrait-il attendre qu’il eût opéré la retraite. Comment la ferait-on sans lui ?… Il a perdu la tête, comme politique, mais non comme militaire… » Les Girondins du comité avouèrent que