Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/508

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effort, alla droit à une batterie qui le foudroya à bout portant. Il eut la cuisse emportée et mourut le lendemain.

Le danger était plus grand qu’en septembre 1792. Il n’y avait plus l’immense mouvement populaire que trouvèrent les Prussiens. Nos discordes avaient augmenté. Nos ressources étaient amoindries. Plus de biens d’église à vendre. On arrivait maintenant aux biens d’émigrés, que peu de gens achetaient. Ces biens restant non vendus, les deux milliards d’assignats qu’on venait de fabriquer ne représentaient plus rien, portaient sur le vide ; on entrait dans la région inconnue et effrayante de la terreur financière, dans la fabrication d’un papier immense, acceptable par la guillotine.

Toutes sortes de passions, et bonnes et mauvaises, entravaient cette vente des biens d’émigrés. La délicatesse chevaleresque luttait contre le patriotisme. Si l’on avait été sûr que ceux dont on vendait les biens fussent tous dans l’armée de Condé, on eût acheté sans scrupule. Mais comment les distinguer ? Il y avait certainement deux catégories d’émigrés, les émigrés de la haine et les émigrés de la peur. Tous pourtant ou presque tous avaient pris les armes contre leur pays. Ils étaient précisément la classe militaire de la monarchie ; ceux qui n’eussent pas voulu combattre y étaient poussés par le préjugé, par les dérisions des autres. Il y avait, dit-on, vingt-neuf mille émigrés propriétaires, hommes la plupart ; les femmes, dans les localités paisibles,