Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/226

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Diable, Qu’est-ce que le Mal en 1793 ? C’est une personne, le Traître… Explication vraie et fausse. La République fut souvent trahie par les choses autant que par les personnes ; elle le fut par le chaos, la désorganisation naturelle d’une telle crise. Robespierre n’admit jamais de coupables que les personnes ; pour lui, comme pour le peuple, le traître lit tout. Comme tels, il désigna les grands meneurs des partis. Comme tels, en un coup de filet, il les fit tous disparaître. Mais, en ce même moment, il se suicida, s’ôtant ce dont il vivait, la matière et l’occasion de cette force accusatrice qui associait sa scolastique aux passions vivantes du peuple.

Jusque-là on avait pu croire que ces meneurs, tant haïs, étaient les entraves, les obstacles de la Révolution. Eux morts, elle ne put plus avancer ni reculer. On fut à même de voir qu’ils en avaient été les organes nécessaires. En chacun d’eux se résumait la force active d’un parti ; par eux, ces partis étaient susceptibles d’être dirigés, ils en étaient les agents intermédiaires, les fils conducteurs. Robespierre, maître de la machine, ne s’en trouva pas moins impuissant à la mouvoir, pour une raison toute simple : il avait cassé les fils.

Comment, en 1793, avait-il si habilement joué de ce vaste clavier ? En tirant ces fils, en frappant ces touches, en se servant de ces meneurs. Il avait tour à tour incliné vers l’un, vers l’autre, son influence centrale. Sans son alliance éphémère avec Collot, avec Hébert, dans plusieurs moments décisifs, un