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l’esprit étroit, tremblant de l’Église carlovingienne[1]. Elle se dédit, se dément, elle dit aux enfants : « Soyez vieux ! »


Quelle chute ! Mais est-ce sérieux ? On nous avait dit d’être jeunes. — Oh ! le prêtre n’est plus le peuple. Un divorce infini commence, un abîme de séparation. Le prêtre, seigneur et prince, chantera sous une chape d’or, dans la langue souveraine du grand Empire qui n’est plus. Nous, triste troupeau, ayant perdu la langue de l’homme, la seule que veuille entendre Dieu, que nous reste-t-il, sinon de mugir et de bêler, avec l’innocent compagnon qui ne nous dédaigne pas, qui l’hiver nous réchauffe à l’étable et nous couvre de sa toison ? Nous vivrons avec les muets et serons muets nous-mêmes.

En vérité, l’on a moins le besoin d’aller à l’église. Mais elle ne nous tient pas quittes. Elle exige que l’on revienne écouter ce qu’on n’entend plus.

Dès lors un immense brouillard, un pesant brouillard gris de plomb, a enveloppé ce monde. Pour combien de temps, s’il vous plaît ? Dans une effroyable durée de mille ans ! Pendant dix siècles entiers, une langueur inconnue à tous les âges antérieurs a tenu le Moyen-âge, même en partie les derniers temps, dans un état mitoyen entre la veille et le sommeil, sous l’empire d’un phénomène désolant, intolérable, la convulsion d’ennui qu’on appelle : le bâillement.

Que l’infatigable cloche sonne aux heures accou-

  1. Voir passim les Capitulaires.