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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/379

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laïque, a ce droit immonde. Dans une paroisse des environs de Bourges, le curé, étant seigneur, réclamait expressément les prémices de la mariée, mais voulait bien en pratique vendre au mari pour argent, la virginité de sa femme[1].

On a cru trop aisément que cet outrage était de forme, jamais réel. Mais le prix indiqué en certains pays, pour en obtenir dispense, dépassait fort les moyens de presque tous les paysans. En Écosse, par exemple, on exigeait « plusieurs vaches ». Chose énorme et impossible ! Donc la pauvre jeune femme était à discrétion. Du reste, les Fors du Béarn disent très expressément qu’on levait ce droit en nature. « L’aîné du paysan est censé le fils du seigneur, car il peut être de ses œuvres[2]. »

Toutes coutumes féodales, même sans faire mention de cela, imposent à la mariée de monter au château, d’y porter le « mets de mariage ». Chose odieuse de l’obliger à s’aventurer ainsi au hasard de ce que peut faire cette meute de célibataires impudents et effrénés.

On voit d’ici la scène honteuse. Le jeune époux amenant au château son épousée. On imagine les rires des chevaliers, des valets, les espiègleries des pages autour de ces infortunés. — « La présence de la châtelaine les retiendra ? » Point du tout. La dame que les romans veulent faire croire si délicate[3], mais qui commandait aux hommes dans l’absence

  1. Laurière, II, 100 ; Marquette. Michelet, Origines du droit, 264.
  2. Quand je publiai mes Origines en 1837, je ne pouvais connaître cette publication (de 1842).
  3. Cette délicatesse apparaît dans le traitement que ces dames voulaient