Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire à l’envers. Soumise, patiente, elle endura la cruelle initiation[1], soutenue de ce mot : « Vengeance ! »


Bien loin que la foudre infernale l’épuisât, la fit languissante, elle se releva redoutable et les yeux étincelants. La lune, qui, chastement, s’était un moment voilée, eut peur en la revoyant. Épouvantablement gonflée de la vapeur infernale, de feu, de fureur et (chose nouvelle) de je ne sais quel désir, elle fut un moment énorme par cet excès de plénitude et d’une beauté horrible. Elle regarda tout autour… Et la nature était changée. Les arbres avaient une langue, contaient les choses passées. Les herbes étaient des simples. Telles plantes qu’hier elle foulait comme du foin, c’étaient maintenant des personnes qui causaient de médecine.

Elle s’éveilla le lendemain en grande sécurité, loin, bien loin de ses ennemis. On l’avait cherchée. On n’avait trouvé que quelques lambeaux épars de la fatale robe verte. S’était-elle, de désespoir, précipitée dans le torrent ? Avait-elle été vivante emportée par le démon ? On ne savait. Des deux façons, elle était damnée à coup sûr. Grande consolation pour la dame de ne pas l’avoir trouvée.

L’eût-on vue, on l’eût à peine reconnue, tellement elle était changée. Les yeux seuls restaient, non brillants, mais armés d’une très étrange et

  1. Ceci s’expliquera plus tard. Il faut se garder des additions pédantesques des modernes du dix-septième siècle. Les ornements que les sots donnent à une chose si terrible font Satan à leur image.