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pare de ces vignes merveilleuses où l’homme oublie, se refait et croit boire la bonté même et la compassion céleste.


À qui Satan porte-t-il la coupe écumante de vie ? Et, dans ce monde de jeûne, qui a tant jeûné de raison, existe-t-il, l’être fort qui va recevoir tout cela sans vertige, sans ivresse, sans risquer de perdre l’esprit ?

Existe-t-il un cerveau qui n’étant pas pétrifié, cristallisé de saint Thomas, reste encore ouvert à la vie, aux forces végétatives ? Trois magiciens[1] font effort ; par des tours de force, ils arrivent à la nature, mais ces vigoureux génies n’ont pas la fluidité, la puissance populaire. Satan retourne à son Ève. La femme est encore au monde ce qui est le plus nature. Elle a et garde toujours certains côtés d’innocence malicieuse qu’a le jeune chat et l’enfant de trop d’esprit. Par là, elle va bien mieux à la comédie du monde, au grand jeu où se jouera le Protée universel.

Mais qu’elle est légère, mobile, tant qu’elle n’est pas mordue et fixée par la douleur ! Celle-ci, proscrite du monde, enracinée à sa lande sauvage, donne prise. Reste à savoir si, froissée, aigrie, avec ce cœur plein de haine, elle rentrera dans la nature et les douces voies de la vie ? Si elle y va, sans nul doute, ce sera sans harmonie, souvent par les circuits du

  1. Albert-le-Grand, Roger Bacon, Arnaud de Villeneuve (qui trouve l’eau de vie.