Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle est distancée, pour notre malheur, mais ne veut ou ne peut aller plus vite.


Le pis, c’est qu’ils ne semblent pas pressés de se rapprocher. Il semble qu’ils n’aient rien à se dire. Le foyer est froid, la table muette, et le lit glacé.

On n’est pas tenu, disent-ils, de se mettre en frais pour les siens. Mais ils n’en font pas davantage dans une société étrangère où la politesse commande. Tout le monde voit chaque soir comme un salon se sépare en deux salons, un des hommes et un des femmes. Ce qu’on n’a pas assez vu, ce qu’on peut expérimenter, c’est que dans une petite réunion amicale d’une douzaine de personnes, si la maîtresse de maison exige par une douce violence que les deux cercles se fondent, que les hommes causent avec les femmes, le silence s’établit, il n’y a plus de conversation.

Il faut dire nettement la chose comme elle est. Ils n’ont plus d’idées communes, ni de langage commun, et même sur ce qui pourrait intéresser les deux parties, on ne sait comment parler. Ils se sont trop perdus de vue. Bientôt, si l’on n’y prenait garde, malgré les rencontres fortuites, ce ne serait plus deux sexes, mais deux peuples.


Rien d’étonnant si le livre qui combattait ces tendances, un petit livre de cœur, sans prétention littéraire, a été de toutes parts amèrement critiqué.

L’Amour venait naïvement se jeter dans le divorce,