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Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/357

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Nos excellentes lois civiles (qui sont celles de l’avenir, et vers qui gravite le monde) n’en ont pas moins ajouté à cette diffculté inhérente du caractère national. La Française hérite et le sait, elle a une dot et le sait. Ce n’est pas comme en certains pays voisins où la fille, si elle est.dotée, ne l’est qu’en argent (fluide qui file aux affaires .du mari). Ici elle a des immeubles, et même quand ses frères veulent lui en donner la valeur, la jurisprudence s’y oppose et la maintient riche en immeubles, garantis par le régime dotal, ou certaines stipulations. Cette fortune le plus souvent est là qui subsiste. Cette terre ne s’envole pas, cette maison ne s’écroule pas ; elles restent pour lui donner voix au chapitre, lui maintenir une personnalité que n’ont guère l’Anglaise ou l’Allemande.

Celles-ci, pour ainsi parler, s’absorbent dans leur mari ; elles s’y prêtent corps et biens (si elles ont quelque bien). Aussi, elles sont, je crois, plus déracinées que les nôtres de leur famille natale, qui ne les reprendrait pas. La mariée compte comme morte pour les siens, qui se réjouissent d’avoir placé une fille dont ils n’auront jamais la charge désormais. Quoi qu’il arrive, et quelque part que la mène son mari, elle -ira et restera. A de pareilles conditions, on craint moins le mariage.


Une chose curieuse en France, contradictoire en apparence et qui ne l’est pas, c’est que le mariage est très faible, et très fort l’esprit de famille. Il arrive (surtout en province, dans la bourgeoisie de cam-