Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/356

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si nous pouvions, sans femmes, avoir des enfants ! » - Ce fut bien pis dans l’Empire. Toutes les pénalités légales, ces lois Julia qui croyaient marier l’homme à coups de bâton, ne parvinrent plus à le rapprocher de la femme, et il semble même que le désir physique, cette belle fatalité qui aiguillonne le monde et centuple ses énergies, se fût éteint ici-bas. Pour ne plus voir une femme, on fuyait jusqu’en Thébaïde.


Les motifs qui, aujourd’hui, non seulement font craindre le mariage, mais éloignent de la société des femmes, sont divers et compliqués.

Le premier, incontestablement, c’est la misère croissante des filles pauvres qui les met à discrétion, la facilité de posséder ces victimes de la faim. De là la satiété et l’énervation, de là l’inaccoutumance d’un amour plus élevé, l’ennui mortel qu’on trouverait à solliciter longuement ce que si facilement on peut avoir chaque soir.

Celui même qui aurait d’autres besoins et des goûts de fidélité, qui voudrait aimer la même, préfère infiniment une personne dépendante, douce, obéissante, qui, ne se croyant aucun droit, pouvant être quittée demain, ne s’écarte d’un pas et veut plaire.

La forte et brillante personnalité de nos demoiselles qui, trop souvent, prend l’essor le lendemain du mariage, effraye le célibataire. Il n’y a pas à plaisanter, la Française est une personne. C’est la chance d’un bonheur immense, mais parfois d’un malheur aussi.