Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/373

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La machine à lin a d’abord supprimé la fileuse. Ce n’est pas un gain seulement, c’est tout un monde d’habitudes qui a été perdu. La paysanne filait, en surveillant ses enfants, son foyer, etc. Elle filait aux veillées. Elle filait en marchant, menant sa vache ou ses moutons.

La couseuse était l’ouvrière des villes. Elle travaillait chez elle, ou continûment tout le jour, ou en coupant ce travail des soins du ménage. Pour tout labeur important, cela n’existera plus. D’abord, les couvents, les prisons, faisaient terrible concurrence à l’ouvrière isolée. Mais voici la machine à coudre qui l’anéantit.

Le progrès de deux machines, le bon marché, la perfection de leur travail, feront, malgré toute barrière, arriver partout leurs produits. Il n’y a rien à dire contre les machines, rien à faire. Ces grandes inventions sont, à la fin, au total, des bienfaits pour l’espèce humaine. Mais leurs effets sont cruels aux moments de transition.

Combien de femmes en Europe (et ailleurs) seront frappées par ces deux terribles fées, par la fileuse d’airain et la couseuse de fer ? Des millions ? Mais jamais on ne pourrait le calculer.


L’ouvrière de l’aiguille s’est trouvée, en Angleterre, si subitement affamée, que nombre de sociétés d’émigration s’occupent de favoriser son passage en Australie. L’avance est de sept cent vingt francs, mais la personne émigrée peut dès .la première année en rendre moitié (Blosseville). Dans ce pays où les mâles sont infiniment plus nombreux, elle se marie sans