Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/45

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mortifiées, on devine quelque chose comme l’action destructive d’un torrent qui mine en dessous. Chez la plupart, l’influence moins énergique semble plutôt salutaire ; elle rajeunit et renouvelle, mais toujours au prix des souffrances, au prix du malaise moral qui trouble bizarrement l’humeur, affaiblit la volonté, et fait une personne tout autre, toute nouvelle, pour celui même qui dès longtemps la connaît le mieux.

La femme la plus vulgaire, alors, n’est pas sans poésie. Longtemps d’avance, et souvent dès le milieu du mois lunaire, elle donne les touchants indices de sa transformation prochaine. Le flot vient déjà et la marée monte.

Elle est agitée ou rêveuse. Elle n’est pas bien sûre d’elle-même. Parfois des larmes lui viennent, souvent des soupirs. Ménagez-la, parlez-lui avec une extrême douceur. Soignez-la, entourez-la, sans importunité pourtant, s’il se peut, sans qu’elle le sente. C’est un état très vulnérable. Elle porte en elle une puissance plus forte qu’elle, et comme un Dieu redoutable. Des mots singuliers, éloquents parfois, qu’on n’eût point du tout attendus, lui viennent et vous étonnent. Mais ce qui domine tout (sauf le cas où l’on aurait la barbarie de l’irriter), c’est un surcroît de tendresse, d’amour même. La chaleur du sang avive le mouvement du cœur.

« Amour physique et fatal ? » Oui et non. Les choses se passent dans un mélange indistinct, et le tout reste une énigme.


Elle aime, elle souffre, elle veut l’appui d’une main