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L’AMOUR

Un fait est incontestable. Au milieu de tant de progrès matériels, intellectuels, le sens moral a baissé. Tout avance et se développe ; une seule chose diminue, c’est l’Ame.

Au moment vraiment solennel où le réseau des fils électriques, répandu sur toute la terre, va centraliser sa pensée et lui permettre d’avoir enfin conscience d’elle-même, quelle âme allons-nous lui donner ! Et que serait-ce si la vieille Europe, dont elle attend tout, ne lui envoyait qu’une âme appauvrie ?

L’Europe est vieille, et elle est jeune, en ce sens qu’elle a, contre sa corruption, les rajeunissements du génie. A elle de changer le monde en se changeant. Elle seule sait, voit et prévoit. Qu’elle garde la volonté et tout est sauvé encore.

On ne peut se dissimuler que la volonté n’ait subi dans les derniers temps de profondes altérations. Les causes en sont nombreuses. J'en signalerai deux seulement, morales et physiques à la fois, qui, frappant précisément au cerveau et l’émoussant, tendent à paralyser toutes nos puissances morales.

Depuis un siècle, l’invasion progressive des spiritueux et des narcotiques se fait invinciblement, avec des résultats divers selon les populations, -- ici obscurcissant l’esprit, le barbarisant sans retour, là mordant plus profondément dans l’existence physique, atteignant la race même, -- mais partout isolant l’homme, lui donnant, même au foyer, une déplorable préférence pour les jouissances solitaires.

Nulle besoin de société, d’amour, de famille. A la