Page:Michelet - OC, La Montagne, L’Insecte.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en une les Pyrénées, c’est prendre de trop grands ensembles. Les impressions confuses s’effacent, se confondent, se faussent, si elles viennent coup sur coup.

Il serait intéressant de prendre une seule montagne, d’y bien caractériser ces grandes échelles de la vie. Quoi de plus intéressant que d’en marquer chaque gradin, et dans son rapport avec l’homme et pour la nature elle-même ? L’allègement progressif de l’air, le dégagement favorable que les forêts résineuses donnent à notre électricité, l’amphithéâtre des flores diverses de degré en degré, c’est déjà une éducation. Chaque montagne est un monde, et peut être à elle seule un texte vivant des sciences.

Une étude plus mobile, très féconde, pour un esprit avancé, serait celle d’un unique fleuve, du Rhône ou du Rhin, par exemple, suivi dans tous les accidents de son cours, dans toute la variété des productions de ses rivages.

Rien ne donnerait une idée plus haute, et aussi plus saine, de la réalité des choses. On y verrait la vraie valeur de ce qui trompe et attriste dans le travail incessant des eaux pour ruiner, démolir, pour abaisser la montagne. La cascade et le ruisseau nous disent incessamment : « Qui est la mort ? Qui est la vie ?… Si nous démolissons les Alpes, c’est pour doter, féconder de nos alluvions l’Allemagne, c’est pour engraisser l’Alsace, c’est pour élever la Hollande, la défendre, la soutenir contre l’invasion de la mer. » Ainsi cette dissolution n’est rien qu’une création.

Rambert, ingénieusement, note la joie que ces éléments semblent avoir de quitter l’immobilité solitaire