Page:Michelet - OC, La Montagne, L’Insecte.djvu/264

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extrêmement fin des champignons microscopiques qui purent s’être établis dans l’arbre, quand tout humide encore il n’avait pas reçu ses tout-puissants transformateurs ? L’agent de la métamorphose se révélait lui-même ; chaque appartement pris à part, senti de près, saisissait l’odorat de l’âcre senteur de l’acide formique. Ce peuple avait tiré de lui cette grande métamorphose de sa demeure, l’avait brûlée et purgée, par sa flamme, séchée et assainie par cet utile poison. C’est cet acide aussi qui avait sans doute accéléré, aidé l’énorme et gigantesque travail, ouvert la voie aux petites morsures de ces sculpteurs infatigables qui pour ciseaux n’ont que leurs dents. Cependant, même avec cela, nul doute qu’il n’y fallût un temps considérable. Des générations successives très probablement y avaient passé, travaillant toujours sur le même plan et dans le même sens. L’image de la cité projetée, désirée, l’espoir de se créer une sûre forteresse, une noble et solide acropole, avait soutenu pendant de longues années ces fermes citoyens. Eh que serait la vie, si l’on ne travaillait que pour soi ? Regardons l’avenir. Les premiers, à coup sûr, qui versèrent leur vie dans cet arbre, et de leur noir petit squelette tirèrent, en s’épuisant, les sucs qui l’ont creusé, jouirent peu d’une habitation si triste et si trempée encore des malsaines humidités et des longues pluies ; Mais ils pensèrent aux citoyens futurs et rêvèrent la postérité. Hélas ! tout ce rêve d’espoir, j’ai bien peur qu’il ne soit fini. Ce n’est pas que cette baguette d’enfant, cette jeune et féminine main, ait bien profondément atteint une telle œuvre, engagée si loin dans la terre.