Page:Michelet - OC, La Montagne, L’Insecte.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais les défenses extérieures qui recouvraient, fermaient le tout, en écartaient les pluies, elles ont été enlevées, dispersées. Et voilà les grandes eaux de l’automne qui vont venir du Righi, du Pilate, du Saint-Gothard, le père des fleuves, qui, flottant sur les forêts en noirs brouillards, ou tombant en torrents, mouilleront éternellement les appartements inférieurs. Et quelle vie brûlante, quelle flamme faudra-t-il opposer à ces invasions répétées des eaux, pour rétablir ces lieux et pour les assainir encore ? Je m’étais mis en face, assis sur un sapin, je regardais et je rêvais. Habitué aux chutes des républiques et des empires, cette chute cependant me jetait dans un océan de pensées. Un flot, et puis un flot, montait et battait dans mon cœur. Le vers d’Homère me revint à la bouche : Et Troie aussi verra sa fatale journée ! Que puis-je pour ce monde détruit, pour la cité quasi ruinée ? Que puis-je pour ce grand peuple insecte, laborieux, méritant, que toutes les tribus animées poursuivent, ou dévorent, ou méprisent, et qui pourtant nous montre à tous les plus fortes images de l’amour désintéressé, du dévouement public, et le sens social en sa plus brûlante énergie ?. Une chose. Le comprendre, l’expliquer, si je puis, y porter la lumière, l’interprétation bienveillante. Nous revînmes rêveurs, et nous entendant sans parler. Ce qui jusqu’à ce jour fut un amusement, une curiosité, une étude, dès lors ce fut un livre.