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Page:Michelet - OC, La Montagne, L’Insecte.djvu/276

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désappointements. Ceux surtout qu’un hiver prolongé fait revenir à la carrière avant la fin du mauvais temps trouvent ces blocs (si durs et pourtant si perméables) pleins d’humidité et demi-gelés. De là, nombre de pavés mal réussis, de rebut. Ils ne se découragent point, et sans murmure recommencent leur âpre travail. Même leçon de patience est donnée par les fourmis. Sans cesse les éleveurs d’oiseaux, les nourrisseurs de faisans, leur gâtent, bouleversent, emportent des œuvres immenses qui ont coûté une saison. Sans cesse elles recommencent avec une ardeur héroïque. Nous allions les voir à toute heure et sympathisions avec elles de plus en plus. Leurs procédés patients, leur vie active et recueillie ressemble plus, en vérité, à celle du travailleur que la vie ailée de l’oiseau qui nous occupait jusque-là. Ce libre possesseur du jour, ce favori de la nature, plane de si haut sur l’homme !... A quoi pourrais-je comparer ma longue vie laborieuse ? J’ai bien vu le ciel par instants, parfois ouï les chants d’en haut ; mais toute mon existence, l’infatigable labeur qui me retient sur mon œuvre, m’assimile de bien plus près aux modestes corporations de l’abeille et de la fourmi. Les travaux de leurs camarades, les carriers, au premier coup d’œil, sont peu agréables à voir. Tant de pierres manquées et mal équarries, tant de fragments, tant de poussière et de sable, cela n’attire pas. Vous croyez voir un champ de ruines. Mais qu’en pense la Nature ? Si j’en juge par l’empressement que mettent les végétaux à se saisir de ce sable, à le mêler, à en faire une terre à leur usage, la Nature me