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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

arrivâmes, ce grand monument ressemblait-il à une montagne animée, formée d’êtres humains superposés. Nul de nous ne prévoyait que cet édifice élevé pour une fête allait être changé en un échafaud sanglant. »

Ni Bailly ni La Fayette n’étaient des hommes sanguinaires. Ils n’avaient donné qu’un ordre général d’employer la force en cas de résistance. Les événements entraînèrent tout la garde nationale soldée (espèce de gendarmerie) entrait par le milieu du Champ de Mars (du côté du Gros-Caillou) quand on lui dit qu’à l’autre bout on avait tiré sur le maire. Et, en effet, d’un groupe d’enfants et d’hommes exaltés un coup de feu était parti, qui, derrière le maire, blessa un dragon.

On dit, mais qui était cet on ? les royalistes, sans nul doute, peut-être les perruquiers, qui étaient venus en nombre, armés jusqu’aux dents, pour venger le perruquier tué le matin.

La garde soldée n’attendit rien, et, sans vérifier cet on dit, elle avança à la course dans le Champ de Mars et déchargea toutes ses armes sur l’autel de la Patrie, couvert de femmes et d’enfants. Robert et sa femme ne furent point atteints. Ce sont eux ou leurs amis, les Cordeliers, qui, sous le feu, ramassèrent les feuillets épars de la pétition que nous possédons encore en partie.

Le soir, ils se réfugièrent chez Mme Roland. Il faut lire le récit de celle-ci, qui, par son aigreur, ne témoigne que trop de l’excessive timidité de la politique girondine : « En revenant des Jacobins chez moi, à onze heures du soir, je trouvai M. et Mme Robert. « Nous venons, me dit la femme avec l’air de confiance