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Page:Michelet - OC, Les Femmes de la Révolution, Les Soldats de la Révolution.djvu/214

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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

avait beau être parfois ennuyeuse, il lui suffisait de dire : « Les charmes de la vertu, les douces leçons de l’amour maternel, une sainte et douce intimité, la sensibilité de mon cœur », et autres phrases pareilles, les femmes étaient touchées. Ajoutez que, parmi ces généralités, il y avait toujours une partie individuelle, plus sentimentale encore, sur lui-même ordinairement, sur les travaux de sa pénible carrière, sur ses souffrances personnelles ; tout cela à chaque discours, et si régulièrement qu’on attendait ce passage et tenait les mouchoirs prêts. Puis l’émotion commencée, arrivait le morceau connu, sauf telle ou telle variante, sur les dangers qu’il courait, la haine de ses ennemis, les larmes dont on arroserait un jour la cendre des martyrs de la liberté. Mais, arrivé là, c’était trop, le cœur débondait, elles ne se contenaient plus et s’échappaient en sanglots.

Robespierre s’aidait fort en cela de, sa pâle et triste mine, qui plaidait pour lui d’avance près des cœurs sensibles. Avec ses lambeaux de d’Émile ou du Contrat social, il avait l’air à la tribune d’un triste bâtard de Rousseau. Ses yeux clignotants, mobiles, parcouraient sans cesse toute l’étendue de la salle, plongeaient aux coins mal éclairés, fréquemment se relevaient vers les tribunes des femmes. À cet effet, il manœuvrait, avec sérieux, dextérité, deux paires de lunettes, l’une pour voir de près ou lire, l’autre pour distinguer au loin, comme pour chercher quelque personne. Chacun se disait : « C’est moi. »

La vive partialité des femmes éclata particulièrement lorsque, vers la fin de 92, dans sa lutte contre