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Page:Michelet - OC, Les Femmes de la Révolution, Les Soldats de la Révolution.djvu/240

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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

le président des Jacobins désignait, sans le nommer, le Sauveur qui allait venir. Une infinité de personnes avaient ses portraits appendus chez elles, comme image sainte. Des femmes, des généraux même, portaient un petit Robespierre dans leur sein, baisaient, priaient la miniature sacrée. Ce qui est plus étonnant, c’est que ceux qui le voyaient sans cesse et l’approchaient de plus près, ses saintes femmes, une baronne, une madame (qui l’aidait dans sa police), ne le regardaient pas moins comme un être d’autre nature. Elles joignaient les mains, disant : « Oui, Robespierre, tu es Dieu. »

Du petit hôtel (démoli) où se tenait le Comité de sûreté jusqu’aux Tuileries, où était le Comité de salut public, régnait un corridor obscur. Là venaient les hommes de la police remettre les paquets cachetés. De là de petites filles portaient les lettres ou les paquets chez la grande dévote du Sauveur futur, cette madame.

Nous avons parlé ailleurs de la vieille idiote de la rue Montmartre, marmottant devant deux plâtres : « Dieu sauve Manuel et Pétion ! Dieu sauve Manuel et Pétion ! » Et cela, douze heures par jour. Nul doute qu’en 94 elle n’ait tout autant d’heures marmotté pour Robespierre.

L’amer Cévenol, Rabaut-Saint-Étienne, avait très bien indiqué que ces momeries ridicules, cet entourage de dévotes, cette patience de Robespierre à les supporter, c’était le point vulnérable, le talon d’Achille, où l’on percerait le héros. Girey-Dupré dans un noël piquant et facétieux, y frappa, mais en passant. N’était-ce pas le sujet de cette comédie de Fabre d’Églantine :