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NOS ARMÉES RÉPUBLICAINES

généraux ont eu le prix de leurs actes en ce monde, le prix qu’ils voulaient, les grades et l’argent. Le grand peuple muet des armées attend encore sa récompense.

Quand je lis dans les Mémoires de Napoléon, et d’autres généraux illustres, cette simple et sèche mention : « À telle affaire, j’avais tant d’hommes », je m’étonne et je m’attriste. Qui ne sait que le nombre est ici chose secondaire ?

Il fallait dire : « J’avais tels hommes…, et c’est parce que tels ils étaient que mon génie put hasarder tant de choses contre toute règle, tout calcul de prudence humaine. Je connaissais à merveille l’épée enchantée, infaillible, que la Révolution mourante avait placée dans ma main. Arcole et bien d’autres batailles étaient insensées, sans doute pour qui n’aurait pas eu ces hommes elles ne l’étaient pas pour celui qui, en commandant l’impossible, fut toujours sûr d’être obéi. »

Un mot, une larme, un souvenir au peuple des héros oubliés !

Ne croyons pas être quittes envers tant d’hommes dévoués, si nous glorifions leurs chefs. Nous serions injustes pour eux, injustes pour leur pays. Telle province, inférieure peut-être dans la masse du peuple, donna nombre de généraux ; telle autre n’eut pas un général, mais le peuple entier y fut un admirable soldat. Nommons entre autres un pays du centre, pays de peu d’éclat, contrée pauvre et laborieuse, qui nous envoie chaque année une légion d’ouvriers, d’honnêtes maçons, la Creuse. Ces braves gens, aussi fermes à la guerre qu’au travail, se sont montrés