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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

On est tout à fait rassuré sur le sort de ce peuple, quand on voit, au premier plan, l’honnête et héroïque figure du général Desaix. C’est celle d’un grand travailleur, d’un homme jeune encore qui a déjà beaucoup fait, beaucoup souffert, et qui jamais ne fera souffrir les autres.

Avec sa riche chevelure noire, avec sa moustache touffue et ses grands yeux noirs, il a l’air triste, mais ferme et doux.

Il rêve… À la patrie lointaine ? aux affections qu’il laisse ? à ceux qu’il aime et ne reverra plus ? Non, il pense à ce peuple qu’on voit là-bas, et dont il est le père. Il pensera l’organisation de cette contrée infortunée. Il pense à cette rude campagne de la Haute-Égypte ; dur labeur, obscur et lointain, caché dans les solitudes, loin de l’attention du monde. Si l’Égypte était un exil pour nos soldats d’Europe, la Thébaïde est un exil par delà l’Égypte elle-même.

Pauvre moine de la guerre, à travers l’affreux désert des moines de la Thébaïde, il poursuit infatigablement le cavalier mameluck. Sous ce soleil terrible, à l’heure où se cache le lion vaincu par la chaleur, où le crocodile haletant se tapit dans le Nil, le général Desaix ne lâche pas prise. Il travaille, écrit, ou combat.

« Sois pur, pour être fort. » Ce mot grave de la Perse antique se réalise à la lettre dans la vie de Desaix. Caractère absolument vierge, il dut sa sève, sa verdeur admirable, à son austérité. Sa vie est d’une pièce, d’un fil tout aussi net que fut celui de son épée.

Le devoir, le travail, telle fut sa droite ligne, et il