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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

rent sa carrière, était de se mordre souvent la main au pli des secondes phalanges.

La hauteur de son âme était dans tout son aspect, dans sa figure. Soldat aux Gardes-françaises et très jeune encore, il figurait à une revue ; une grande dame de Versailles, avec la finesse et le tact de son sexe, le remarqua entre tous et dit : « Voyez-vous celui-ci ? Ce n’est pas un soldat, c’est le général. »

Du reste, dans sa personne rien de sombre, rien de triste une grande sérénité. Et sous ce calme, une application extrême, continue, jamais démentie. Elle seule peut expliquer qu’il ait tant fait, tant voulu, tant pensé, tant projeté dans sa vie de vingt-neuf ans, parti de si bas, ayant à rompre tant et de si cruels obstacles par l’effort de la seule vertu.

Cette action rapide, dévorante, qui le mena si vite à la mort, n’embrassait pas seulement les sciences militaires ; on est pénétré d’étonnement de voir qu’à l’armée de l’Ouest, au milieu des tentatives si fréquentes d’assassinat, des craintes de soulèvement, de l’attente de la flotte anglaise, des préparatifs de la descente en Angleterre, il songeait à commencer l’étude de la métaphysique et priait un ami de lui envoyer tel livre de Condillac.

Il répétait à chaque instant, sans s’en apercevoir, et se parlant à lui-même, un mot du fameux Jean de Witt : « Fais ce que tu fais », c’est-à-dire fais bien et agis fort, travaille sérieusement. Il disait encore souvent un mot héroïque : « Des choses, et non des mots. » En lui point de rouerie, de mise en scène, d’appel à l’art point de faiseur d’arrangement pour les bulletins.