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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

même province, et non mêlée, garda ce caractère de fraternité primitive. Chacune fut une personne, eut une personnalité originale et distincte l’armée de Sambre-et-Meuse, tellement républicaine et soumise à la loi ; la pacificatrice armée de l’Ouest ; la ferme et grave armée du Rhin, de glorieuse patience, victorieuse jusqu’à ses retraites la rapide et foudroyante armée d’Italie.

Ces armées, qui étaient des peuples, disons mieux, la patrie même en ce qu’elle eut de plus ardent, demandaient d’aller ensemble et de combattre par masses, les amis avec les amis, comme disait le soldat. Amis et amis, parents et parents, voisins et voisins, Français et Français, partis en se donnant la main, la difficulté n’était pas de les retenir ensemble, mais bien de les séparer. Les isoler, c’était leur ôter la meilleure partie de leurs forces.

Ces grandes légions populaires étaient comme des Corps vivants ; ne pas les faire agir par masses, c’eût été les démembrer. Et ces masses n’étaient pas des foules confuses ; plus on les laissait nombreuses, plus elles allaient en bon ordre. « Plus on est d’amis, mieux ça marche ! » c’est encore un mot populaire.

L’audace vint aux généraux dès qu’ils eurent remarqué ceci. Ils virent qu’avec ces populations éminemment sociables, ou tous s’électrisent par tous et en proportion du nombre, il fallait agir par grands corps. Le monde eut ce nouveau spectacle de voir des hommes par cent mille qui marchaient mus d’un même souffle, d’un même élan, d’un même cœur.