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APPENDICE

là pour empêcher ce que je regarde comme un crime envers l’honneur, l’humanité, la générosité française. Sans perdre un moment, vous voudrez bien faire arrêter les officiers qui commandaient le détachement des grenadiers, et ceux d’entre eux qui ont coupé et promené la tête du cadavre de Boishardy. (T. II. p. 188). »

Était-ce le pressentiment de son grand destin sitôt brisé ? Hoche, cet homme d’action, a une certaine tendance à la mélancolie. Pendant que « le pauvre garde-côtes » surveille de jour et de nuit la mer, et défend l’entrée de nos ports à l’ennemi, les mornes brouillards du marais vendéen pèsent sur l’âme de Hoche et la pénètrent de tristesse, Il écrit à son ami Langier « Je devrais être content ; je pourrais être heureux ; il n’en est rien. Je ne sais quoi me chagrine profondément. »


Déjà, à l’armée de la Moselle, il semble atteint de ce mal inconnu. Il est sombre, découragé :

« Ce n’est plus l’homme que tu as connu qui te parle, écrit-il à Dulac, c’est un malheureux qui ne peut manger, boire, ni reposer nulle part. Rien ne calme la mélancolie qui me consume. Ardent ami de la Révolution, j’ai cru qu’elle changerait les mœurs. Hélas ! l’intrigue et toujours l’intrigue ! et malheur à qui n’a pas de protecteurs ! Tiré des rangs je ne sais pourquoi, j’y rentrerai comme j’en suis sorti, sans plaisir ni peine, me contentant de faire des vœux pour la prospérité des armes de la patrie. »


Voici enfin, pour achever de peindre cette grande âme inflexible dans sa droiture, la noble et ferme réponse qu’il adresse au général qui lui annonce que le gouvernement l’a relevé de son commandement à l’armée de Cherbourg :

« Ma compagne, à qui j’ai verbalement fait part de l’article de votre lettre, m’a répondu assez vivement qu’elle était très satisfaite que je pusse la reconduire. Nous habiterons ensemble une métairie, à peu près dans un désert, et là, je ferai de la misanthropie à mon aise. Il est juste que les patriciens relèvent les plébéiens qui ne savent point intriguer pour conserver les places que leurs services leur ont acquises. Je suis las, mon cher ami, d’être sans cesse ballotté ! Né républicain, je veux vivre tel, et ne pas être soumis au caprice des circonstances.