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sale, — dans un coin du modeste logis de la rue Newton : Tristan et Isolde entièrement achevée, et la Tétralogie des Nibelungen, sur le point de l’être.

Ainsi que nous étions convenus, Wagner, fidèle au rendez-vous (qu’il avait pris le soin superflu de me rappeler encore par lettre à la première heure du matin), vint me prendre chez moi. C’était à quelques pas de la demeure de Rossini, vers laquelle nous nous mîmes aussitôt en route.

En montant l’escalier, je dis à Wagner : « Si Rossini est bien disposé, vous serez charmé de sa conversation. Ce sera un régal. Ne soyez pas surpris pendant votre entretien, de me voir prendre quelques notes… »

« Pour les journaux ? » demanda Wagner.

« Pas du tout — lui répondis-je — uniquement pour mes souvenirs personnels. Si le maestro concevait le moindre soupçon que je pourrais faire des communications à la Presse, à peine ouvrirait-il la bouche. D’ailleurs il a pleine confiance en ma discrétion, tandis qu’il abomine la publicité en tout ce qui concerne sa vie privée. »

Abandonnant à sa femme la jouissance à peu près complète de l’appartement, Rossini s’était réservé à côté de la salle à manger, un coin de quatre fenêtres ayant vue sur le boulevard et se composant d’un cabinet de fond où il n’entrait guère et d’une chambre à coucher qu’il ne quittait jamais. Un lit, une table à écrire, un meuble secrétaire, un petit piano droit de Pleyel composaient tout l’ameublement de cette pièce qui était d’une extrême simplicité. C’est dans celle-ci qu’il recevait indistinctement tous les visiteurs, depuis le plus modeste des quémandeurs jusqu’aux Excellences, Altesses et Têtes couronnées. — Ce fut également là qu’il reçut Wagner.

Lorsqu’on nous annonça, le maestro précisément finissait son déjeuner. Nous attendîmes pendant quelques minutes dans le grand salon.