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Rossini. « Ce qui est juste ; car les faits valenl mieux que les paroles. »


Wagner. « Et pour commencer, — tous mes efforts en ce moment tendent à faire représenter Tannhäuser. Je l’ai fait entendre naguère à Carvalho qui, bien impressionné, se montra assez disposé à tenter l’aventure ; mais rien n’est encore décidé. Malheureusement un mauvais vouloir, qui depuis longtemps sévit dans la presse contre moi, menace de prendre la tournure d’une véritable cabale… Il est à craindre que Carvalho n’en subisse l’influence… »


À ce mot cabale, Rossini (vivement) ; « Quel est le compositeur — interrompit-il — qui ne les ait pas subies, à commencer par le grand Gluck lui-même ? Pour ma part, — croyez-le bien, — je n’ai pas été épargné non plus, tant s’en faut. Le soir de la première du Barbier, où, selon l’usage établi alors en Italie pour l’opéra-buffa, je tenais à l’orchestre le clavicembalo pour l’accompagnement des récitatifs, j’ai dû me sauver devant l’attitude d’un publie vraiment déchaîné. Je croyais qu’on allait m’assassiner. »

« Ici, à Paris, où j’arrivai pour la première fois en 1824, ayant été appelé par la direction du théâtre italien, je fus salué pour ma bienvenue par le sobriquet de « Monsieur Vacarmini » qui me resta. Et ce n’est pas de main morte je vous assure, que je fus malmené dans le camp de quelques musiciens et critiques de la Presse, ligués d’un commun accord, — accord aussi parfait que majeur ! »

« Il n’en fut pas autrement non plus à Vienne, lorsque j’y vins en 1822 pour monter mon opéra Zelmira. Weber lui-même, qui d’ailleurs depuis longtemps déjà avait publié des articles fulminants contre moi, à la suite des représentations de mes opéras au théâtre italien de la Cour, me poursuivit sans relâche… »


Wagner. « Weber, oh ! je le sais, était très intolérant. Surtout il devenait intraitable, dès qu’il s’agissait de défendre l’art allemand. C’était pardonnable ; de manière — et cela se comprend — que vous n’avez pas eu de rapports avec lui, pendant votre séjour à Vienne ?… Un grand génie et mort si prématurément !… »