Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/127

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avec les indigènes. Cette séparation entre deux langues, l’une d’origine ouralienne, l’autre d’origine indo-germanique, donnait au royaume de Hongrie, au sein de la chrétienté, une physionomie étrangère et presque hostile. Les Magiares n’ont jamais rien voulu recevoir des Slaves, et les Slaves ont plutôt. subi qu’accepté leur influence. Les Hongrois se servaient toujours d’interprètes : tels sont encore leurs moyens de communication avec la maison régnante d’Autriche. De là vient que dans les plaines et les vallées de la Hongrie, où la race conquérante s’est étendue, on ne parle que magiare ; tandis que sur les montagnes, où s’est réfugiée la population subjuguée, le slave existe dans toute sa pureté primitive. Ajoutons que dans les bureaux de l’administration, dans les maisons de commerce, les comptoirs des marchands, etc., on se sert de l’allemand, et que les Juifs et les Bohémiens, à côté de ces différents idiomes, ont conservé l’usage de leur langue.

Au milieu de ce chaos, la nationalité slave, refoulée au fond de la vie domestique, eut assez de force intérieure pour résister à l’oppression ; elle commence même à réagir sur les Magiares. Des journaux s’impriment aujourd’hui en slave ; des bibliothèques slaves se forment ; et la langue magiare, malgré le talent de ses écrivains, perd visiblement de sa prépondérance. Une grande preuve de sa faiblesse, c’est que le gouvernement la prend sous sa protection, qu’il l’impose de force aux provinces ou résiste le plus la langue slave.