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INTRODUCTION.


physique ; et dans celle des créatures où Dieu a imprimé le plus de traits de ses perfections, il n’aurait mis aucun ordre ? Dieu n’aime pas moins sans doute l’ordre moral (lue l’ordre physique et géométrique ; son autorité doit s’interposer également pour maintenir l’un et l’autre ses soins ne doivent donc pas moins s’étendre aux actions libres des créatures qu’aux mouvements aveugles des corps comme il y a des lois pour ceux-ci, il y en a aussi pour celle-là. (La Luzerne.)

S’il est impossible à l’astronome d’assister longtemps au jeu des astres sans apercevoir clairement une main toute-puissante qui donne à l’univers la coordination et la durée, il n’est pas plus possible d’étudier un instant l’esprit et le cœur de l’homme sans y trouver la main de Dieu qui dirige, règle et coordonne tous les mouvements moraux. Nous en trouvons la preuve dans les moyens donnés par la philosophie comme principe de la morale. Si, hors du sentiment religieux, ils sont incomplets, impuissants, sujets à de grandes illusions, dirigés par la vraie religion, ils ont cette plénitude d’étendue et d’autorité nécessaire pour rendre la morale puissante et féconde.

Sous la main de la véritable religion, la raison reçoit une force qu’elle ne possède pas par elle-même et dans notre état déchu. La révélation lui a été nécessaire pour comprendre et connaître l’ordre moral tout entier. C’est une vérité qui est démontrée à l’article Révélation. Mais lorsque la raison a été fortifiée par une saine instruction religieuse, qu’elle y a puisé une conviction profonde de l’existence d’un Dieu rémunérateur de la vertu et vengeur du vice, alors elle prend une nouvelle force, et la réflexion lui confirme et lui certifie les principes que l’instruction lui avait présentés ; elle les développe, dissipe les préjugés, éclaircit les difficultés elle multiplie même ces principes en tirant des conséquences qui, par leur certitude entière, deviennent elles-mêmes des règles de conduite.

IX. Loin de méconnaître l’instinct moral, la religion travaille sans cesse à le développer. Si, à la vue du malheureux qui souffre, nous sommes saisis d’un mouvement indélibéré de commisération, si nous désirons le soulager, la religion fortifie ce sentiment en nous montrant dans le malheureux l’image même de Dieu. Lorsque nous voyons ou que nous éprouvons un acte d’ingratitude, d’injustice, de méchanceté nous sommes saisis d’un mouvement subit de mépris et d’indignation la religion nous dit que le mal est détestable, que la peine qu’il nous cause doit nous engager à le fuir et à poursuivre le péché de notre haine, tout en aimant le bien qui se trouve dans le pécheur. Si le remords nous poursuit et nous engage à pleurer et à réparer nos fautes, la religion fortifie ces sentiments en disant que Dieu ne permet pas aux coupables d’anéantir les remords, que quand ils iraient se cacher au fond de la mer il y enverra le serpent pour


les déchirer par ses morsures (Amos, ix, 3).

La religion pousse les hommes dans la voie du bien par des mobiles plus puissants que la raison et le sentiment. Elle a trois mobiles qui comprennent tous les actes toutes les perfections et toutes les vertus, en sorte qu’il n’y a pas une loi, une perfection, un acte d’héroïsme qui n’y trouve sa raison d’être. Ces trois mobiles sont la crainte, l’espérance et l’amour.

X. La crainte est un puissant mobile d’action c’est celui que la loi civile emploie, pour maintenir les citoyens dans la ligne du devoir ; c’est aussi celui dont Dieu se sert à l’égard de l’homme. Il montre au prévaricateur de sa loi les flammes de l’enfer destinées à brûler le coupable pendant toute l’éternité. — Quoique très-puissante, la crainte est cependant un mobile très-imparfait. Dans ses rapports avec la législation civile, il est un moyen de répression très-incomplet : il ne peut s’étendre à toutes les violations de la loi. On peut échapper aux poursuites de la justice humaine. Considérée dans ses rapports avec la législation divine, la crainte n’a pas la même insuffisance. Le péché ne peut échapper à l’œil de Dieu ni à sa justice : la Divinité a toujours en main la puissance pour le punir. Aussi la crainte de Dieu embrasse tous les devoirs. Malgré toute son étendue, ce mobile est cependant encore imparfait. Celui qui est mû uniquement par la crainte ne fait aucune action magnanime.

XI. Il y a un second mobile c’est l’espérance d’obtenir une récompense de ses œuvres. Quoique plus grand et plus parfait que le précédent, ce mobile a aussi ses causes d’imperfection. L’homme, porté par sa nature à pourvoir aux besoins de sa félicité, poursuit son bonheur où il croit pouvoir le rencontrer c’est à ce besoin que nous devons la plupart des progrès sociaux et des perfectionnements des arts. Le désir d’obtenir les jouissances de la propriété, de la grandeur, de l’autorité, du plaisir, pousse sans cesse les hommes. Ce puissant mobile, tendant à ramener tout à l’intérêt personnel, manque de générosité. Agir pour soi, se constituer le centre de ses opérations, c’est rétrécir le rayonnement au lieu de l’élargir. Il faut qu’il soit tempéré par un autre mobile, qui est la perfection de tout principe d’activité, nous, voulons dire par l’amour.

XII. L’amour est le mobile le plus complet et le plus parfait de tous. L’amour profane a fait faire des prodiges ; l’amour de Dieu est plus grand, plus fort, plus fécond. Il n’y a pas un sentiment qu’il n’élève, pas une vertu qu’il ne fa<sc pratiquer, pas un progrès qu’il n’ait inspiré, pas un acte héroïque qu’il n’ait commandé, Nous voyons la puissance de l’amour de Dieu se manifester dans le courage des martyrs, éclater sur les chevalets, sous la griffe des bêtes féroces, au milieu des flammes. Il conduit la vierge timide et délicate au chevet du malade, dont elle se fait la mère et le soutien.

Ce n’est pas ici le lieu de donner a tous ces motifs les développements qu’ils exigent.