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INTRODUCTION.

cents ans qu’a duré la nation juive, il n’a pas été nécessaire d’y faire de changements, malgré les états si divers où s’est trouvé le peuple déicide. Nous n’avons ici à nous occuper que de la portée morale de cette loi.

Pour donner plus de solennité à la promulgation de la loi morale, le Seigneur la publia au milieu de l’appareil le plus terrible. Ce fut aux éclats de la foudre que les échos du Sinaï répétaient sans cesse, et à la lumière éblouissante des éclairs, que Dieu promulgua les lois morales qui obligent indistinctement tous les hommes. Elles sont sommairement comprises dans dix commandements. Elles furent écrites sur deux tables de pierre pour servir de loi permanente à tout le peuple. Nous avons rapporté littéralement cette loi au mot Décalogue. Observons seulement ici que cette loi est simple claire, courte, propre à faire connaitre tous les principes de la loi naturelle, dont la connaissance est suffisante pour remplir les devoirs à l’égard de Dieu, à l’égard du prochain et à l’égard de soi-même.

Moïse développa plusieurs points de cette grande loi morale dans le cours de son code. Quelques-uns ont trouvé des adversaires. Tels sont, 1o la loi de mort portée contre les idolâtres 2o celles de la polygamie et du divorce. Nous examinerons la valeur des objections relatives à ces deux derniers points, aux mots Bigamie et Divorce. Bergier a répondu à celles qui concernent la mort prononcée contre les Chananéens. Voy. Dictionn. dogm., art. Chananéens.

Les plus saintes règles de morale ne rendent pas les hommes impeccables. Les Juifs violèrent souvent leur beau code de morale. Non-seulement la loi protestait sans cesse contre les violateurs, mais encore il paraissait souvent dans Israël des hommes de Dieu qui parcouraient les villes le Code de la loi à la main et rappelaient la nation à son devoir. il y avait une main invisible qui frappait le peuple lorsqu’il était sourd aux avertissements des prophètes. Les calamités la guerre, la famine, l’exil lui servaient de terribles prédicateurs. Revenant à l’observation Ce la loi, les Israélites voyaient aussi revenir les heureux jours. Les docteurs voulurent à leur tour se mêler de l’interprétation de la loi morale ; ils en pervertirent le sens. Au moment de la venue de Jésus-Christ, Jérusalem avait aussi ses écoles de philosophes qui dissertaient sur la vertu et corrompaient la morale. Elles n’étaient guère meilleures chez eux que chez les païens dont nous allons retracer l’histoire morale.

§ III.
De la morale chez les païens.

XVII. Le paganisme n’est pas le côté le moins curieux de l’histoire de la morale. C’est là qu’on a vu mettre en pratique les principes des ennemis de la révélation. On pourra juger par les fruits de l’excellence de la doctrine. Pour bien juger de la morale des païens, il est nécessaire de rechercher et d’étudier les diverses influences auxquelles elle était soumise. Or ces influences ne peuvent être que la loi religieuse la loi civile la coutume et les enseignements des sages Voilà croyons-nous, les seuls moyens dont se forma la morale des païens.

1o Influence de la religion sur les mœurs des païens.

XVIII. La plus grande influence morale dans le christianisme est certainement la religion. Elle montre à tous les hommes une loi descendue du ciel un œil invisible scrutant toutes les pensées, les désirs, les actions secrètes comme celles qui sont publiques soumettant tout à son jugement redoutable qui doit décider de tout avec une justice rigoureuse.

La sanction religieuse de l’autre vie a une immense influence sur tes déterminations du chrétien. Le païen avait aussi son Elysée et son enfer mais en dehors de ces idées la religion n’avait d’autre action sur les mœurs qu’une influence malheureuse. Uniquement renfermée dans un cérémonial extérieur, elle ne s’embarrassait ni d’éclairer l’esprit par la connaissance de la vérité ni de régler les actions des hommes par la pratique des devoirs moraux. Selon Varron l’office des prêtres se réduisait à apprendre aux hommes quels dieux ils devaient honorer, quelle espèce de sacrifice ils devaient offrir à chaque divinité. Les prêtres devaient encore diriger les fidèles dans l’observation des rites et des cérémonies. Chez les Romains, il est vrai, les prêtres avaient une certaine inspection sur les mœurs. (Cicer. de Domo sua.) Mais c’était un cas purement exceptionnel. Puffendorf observe à cet égard que celle institution religieuse des Romains était purement civile, qu’elle n’avait d’autre but que le bien public, mais qu’elle n’avait nullement pour dessein de former la conduite et les mœurs particulières.

La religion païenne était si éloignée de prescrire aucune maxime de morale ou d’inspirer aucune vertu sociale, que dans plusieurs occasions les rites religieux par lesquels on prétendait honorer les dieux et se les rendre favorables étaient tout à fait contraires aux bonnes mœurs, en sorte qu’au lieu d’encourager la pratique de la vertu, ils portaient au crime et à la débauche. Il faudrait faire un livre si on voulait rapporter dans le détail les cérémonies religieuses des païens qui étaient ridicules cruelles licencieuses, impudiques. Nous dirons seulement quelques mots de ces dernières. Nous nommerons d’abord les Bacchanales, où c’était une vertu de s’enivrer et de se livrer à tous les vices qui sont la suite de l’ivresse. De là ce mot d’Aristippe, rapporté par Empyricus : Une femme vraiment chaste le sera même dans le temple des Bacchanales. — Les Lupercales, fêtes de la plus grande antiquité chez les Romains, instituées en l’honneur du dieu Pan, se célébraient de la manière la plus immodeste. Les prêtres de ce dieu couraient comme des insensés par les rues et les places publiques, presque tout nus, frappant tout ce qu’ils ren-