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INTRODUCTION.


contraient. – Et les fêtes des jeux floraux célébrées par des compagnies de filles prostituées, qui jouaient les pantomimes les plus lubriques, n’étaient-elles pas protégées, encouragées par les hommes les plus grave » ? — Kotys, la déesse de l’impudicité, avait des fêtes à Athènes, à Corinthe, à Chio, dans la Thrace, etc. Elles consistaient en débauches de toute espèce telles qu’elles convenaient à la déesse qu’on croyait honorer. Les prêtres d’une telle divinité, instruits dans l’art de la volupté la plus honteuse, mettaient alors leur science en pratique sous la protection de la déesse qu’ils servaient. — Et Vénus, l’impudique Vénus ! quelles prêtresses voulait-elle ? des courtisanes. On l’honorait en se livrant et en consacrant des jeunes filles à la débauche. A Babylone, toute femme du pays était obligée d’aller se prostituer, au moins une fois dans sa vie, à un étranger, sur l’autel de la déesse. Il y a quelque chose de plus révoltant encore. Telles sont les impuretés horribles que des hommes en Égypte commettaient publiquement et ouvertement avec les chèvres du dieu Pan. Tel était le culte public rendu aux parties honteuses qu’on promenait, et que les filles et les femmes étaient obligées de couronner. Nous avons vu une gravure représentant fidèlement un temple de Denderah, copiée par les savants qui suivaient l’expédition de Bonaparte. C’était quelque chose d’horrible : le temple était environné de statues entièrement nues, l’œil fixé sur les parties les plus honteuses.

Tirons le rideau sur ces horreurs, que l’on a de la peine à entendre et à raconter sans frémir. On ne comprend pas, après cela, comment des hommes ont pu être assez aveuglés par les préjugés pour oser dire, comme Voltaire (Siècle de Louis XIV), que « la religion des païens ne consistait que dans la morale et les fêtes ; la morale, qui est commune aux hommes de tous les temps et de tous les lieux les fêtes, qui n’étaient que des réjouissances et ne pouvaient troubler le genre humain. » Nous pensons avoir évidemment prouvé que la religion païenne devait avoir une influence pernicieuse sur les mœurs des peuples soumis à son empire.

De l’influence des lois civiles sur la morale des païens.

XIX. La législation civile et politique d’un grand nombre de peuples anciens fut très-remarquable par des vues élevées, propres à maintenir l’ordre dans la société. On ne peut nier qu’elle n’ait eu une grande influence sur les mœurs. Cependant ces lois ne peuvent être regardées comme une règle complète de la vie morale. Il leur manquait pour cela trois qualités importantes.

XX. 1° Elles ne réglaient pas tous les principes de morale. La législation s’occupait de régler les rapports des citoyens entre eux, mais elle ne leur traçait pas de règle de conduite personnelle. Le cœur, cette partie si importante de l’homme, n’avait pas de gouvernail. Il était abandonné à ses inspirations personnelles. C’était là un défaut immense.

XXI. 2° La sanction des lois était purement humanitaire et terrestre. La morale n’avait pas une protection suffisante, car on sait que la ruse peut inventer mille stratagèmes pour échapper à l’atteinte de la loi ; c’est ce qui soutient tous les jours les malfaiteurs.

XXII. 3° Les lois elles-mêmes renfermaient de grandes imperfections.

L’Égypte avait une législation très-remarquable. La plupart des législateurs y allèrent puiser les principes de leurs lois. Un savant auteur moderne (M. Goguel) a fait voir que, quoique les Egyptiens eussent quelques bonnes constitutions politiques, il régnait néanmoins dans leur gouvernement des abus et des vices essentiels, autorisés par leurs lois et par les principes fondamentaux de leur Etat.

Les Grecs sont comptés avec raison parmi les nations les plus savantes et les plus civilisées de l’antiquité. Les lois de Lycurgue ont été beaucoup vantées cependant elles semblent avoir un seul but, la guerre. Aussi, au rapport de Plutarque, des hommes judicieux pensaient que les lois de Lycurgue étaient propres à faire de bons soldats et des hommes vicieux. Et certes, la législation qui concerne les ilotes suffirait pour la condamner. Ces esclaves étaient réputés fort au-dessous des animaux domestiques. Des indécences impardonnables étaient tolérées à Lacédémone. Les hommes et les femmes se baignaient dans des bains communs. Il y avait des danses ou les jeunes gens et les filles étaient entièrement nus. Il y avait un vice plus affreux encore, c’était la pédérastie, prescrite, dit-on, par Lycurgue pour arrêter l’accroissement de la population. Aussi, au rapport de Xénophon, ce vice devint commun à toute la Grèce.

La législation romaine était peut-être la plus parfaite de toutes celles de l’antiquité. Les lois des douze tables paraissent avoir beaucoup d’analogie avec celles de Moïse elles étaient encore bien défectueuses. Elles permettaient la mort des enfants contrefaits elles donnaient au maître un droit si absolu sur ses esclaves, qu’il pouvait les jeter aux poissons pour les nourrir ; elles toléraient les spectacles des gladiateurs et la pédérastie elle-même.

Nous ne pousserons pas plus loin notre examen des législations païennes ; nous croyons que les considérations que nous venons de présenter sont une preuve évidente qu’elles ne présentaient pas une règle suffisante de morale ; que, faites uniquement pour régler les rapports des citoyens entre eux et avec l’Etat, elles ne réglaient pas les devoirs de l’homme à l’égard de la Divinité et ne lui traçaient pas à lui-même la ligne qu’il devait suivre.

De l’influence des mœurs sur la morale païenne.

XXIII. Il est certain que la coutume peut avoir une très grande influence sur les