Page:Migne - Encyclopédie théologique - Tome 31.djvu/676

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1347
1348
DICTIONNAIRE DE THEOLOGIE MORALE


taines conditions non-seulement pour que le gain soit licite, mais encore pour qu’on puisse le conserver en justice.

1. Le jeu est soumis aux règles générales des conventions. Il demande donc la capacité nécessaire, un consentement libre, un objet dont on puisse disposer, et une cause licite.

C’est une grande question de savoir si les personnes civilement incapables sont tenues en conscience d’acquitter les dettes de jeu. Beaucoup de théologiens croient que les mineurs, les interdits, les femmes sous la puissance de mari, ne sont pas obligés de les acquitter. D’autres théologiens, ont d’avis que le droit naturel leur en fait une obligation. Quant à nous, nous distinguerions un gain modéré, proportionné à la condition du joueur civilement incapable, d’une perte excessive la première espèce de gain produit certainement une obligation naturelle, conformément aux principes développés au mot Obligation, n. 13. Si le jeu est immodéré, nous pensons que l’incapable peut recourir aux tribunaux pour faire annuler la dette, et suivre en conscience la sentence, parce que si le mineur ou l’interdit n’avait pas ce pouvoir, la loi n’aurait pas atteint le but qu’elle se proposait.

Plusieurs théologiens croient que presser vivement quelqu’un à jouer ou à continuer le jeu plus longtemps qu’il ne le voudrait, c’est une injustice qui oblige le gagnant à restitution. Nous croyons que lorsqu’on n’emploie aucun moyen frauduleux, qu’on laisse la liberté morale, il n’y a aucune obligation de restituer.

3. Il y a des conditions qui ressortent de la nature du contrat de jeu, ou des conventions qu’on a pu y mettre. Il est un principe qui domine toute la question, c’est qu’il doit exister une égalité entre les chances des joueurs. C’est en effet sur cette égalité que repose l’espèce de convention qui nous occupe. Or, trois choses peuvent détruire cette égalité 1o l’inégalité de force des joueurs 2o la fraude 3o les fautes et les erreurs. Il est nécessaire de dire quand et comment ces trois causes peuvent vicier ou annuler la convention tacite du jeu.

4. 1o L’égalité de force entre les joueurs est une conséquence de la nécessité de l’égalité de chance. « Le gain serait donc injuste à raison de l’inégalité, disent les Conférences d’Angers (Conf. xie), sur les Contrats), car l’égalité doit se trouver dans tous les contrats et le jeu ne peut valoir pour le gain et la perte qu’en qualité de quasi-contrat. C’est une conduite plus condamnable encore de cacher dans les commencements son adresse et sa supériorité, pour inspirer de la confiance à celui avec lequel on joue, et l’engager à risquer davantage pour faire un gain plus considérable.

« Mais lorsque le joueur, plus adroit et plus habile, prévient avec bonne foi de sa supériorité celui qui s’expose à jouer avec lui, on pourrait peut-être penser que celui-ci mériterait de porter la peine de sa témérité. Cependant Pothier, n. 24, revient ici, avec raison, au principe constant de l’égalité il croit donc que la perte du joueur le plus faible doit être bornée à la somme qui aurait pu être exposée des deux côtés pour compenser l’égalité. Ce qui néanmoins ne peut s’entendre que des jeux mixtes et des jeux d’adresse, où certaines circonstances peuvent se joindre, qui peuvent rendre l’habileté inutile. Il suppose donc que, dans un jeu mixte, l’habileté de l’un est double de celle de l’autre joueur. Le risque est conséquemment double du côté de celui-ci. Ainsi, pour établir l’égalité entre les deux joueurs, il faut que celui qui est le moins habile n’expose au jeu que la moitié de la somme qu’y met le plus habile ; le risque devient égal proportionnellement aux forces de l’un et de l’autre. Car enfin, quelque grande que soit la supériorité, on n’est pas sûr de la victoire un mauvais jeu trop continu peut rendre l’habileté inutile. Il y a donc toujours quelques risque des deux côtés mais comme il esl moitié moins grand du côté de celui qui est plus habile, tout est compensé lorsque celui qui l’est moins n’expose que la moitié de ce que l’autre risque. Ainsi, dans ces circonstances, le plus habile ne peut légitimement gagner que la moitié de ce que l’autre peut y perdre lui-même (Pothier, n. 21). Au reste, cette supériorité, que nous calculons ici, ne se connait pas si aisément dans la pratique dans les petits jeux, on n’y fait pas beaucoup d’attention, et elle n’en mérite que lorsqu’elle est certaine et dans un degré qui puisse changer notablement le sort d’un jeu où àt s sommes considérables sont exposées. Il est dans divers jeux des avantages qu’on peut accorder au plus faible, et qui rétablissent les choses dans une égalité suffisante.

« Lorsque deux joueurs ignorent leurs forces, Barbeyrac croit que, tout s’étant passé de bonne foi, la supériorité est sans conséquence pour la première partie, parce que tous deux ont couru le même risque de trouver quelqu’un plus habile. Pothier, n. 24, ne s’écarte point encore ici de la nécessité de l’égalité il compte pour rien ce risque étranger, et qui ne forme point la substance du contrat. Il trouve donc celui dont il s’agit essentiellement vicieux par le défaut d’égalité dans le risque intrinsèque de la perte et du gain et il le juge réformable et réductible de la manière que nous venons de le marquer, »

Ces principes nous paraissent un peu sévères nous croyons qu’un joueur, ayant la libre disposition de son bien, peut le donner et l’exposer à telle condition qu’il juge convenable. Dès lors qu’il accepte le jeu, quoiqu’il connaisse son infériorité, il donne par là même à l’autre la partie correspondante à son infériorité. Aussi, lorsqu’il y a pleine et entière liberté des deux côtés, que la position des deux joueurs est complètement connue, nous n’obligerions pas à restitution celui qui a l’avantage de la supériorité.

5. 2o « Quand on a usé de fraude au jeu, disent les Conférences d’Angers (Ibid.), soit