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DICTIONNAIRE DE THEOLOGIE MORALE


elle se rappelle que si un regard indiscret a suffi pour faire tomber David, de longues et inutiles conversations mettent en grand péril les âmes même sincèrement vertueuses.

Les lectures peuvent produire sur les cœurs de plus puissants effets que les conversations. Je ne croirai jamais qu’une personne puisse conserver son cœur pur, si elle fait sa lecture ordinaire de romans, où l’amour joue le rôle principal. Dans ces écrits, cette passion est représentée sous les plus riches couleurs ; elle y est seule la source des beaux sentiments et du bonheur. Croit-on qu’avec le feu que la nature a mis dans les veines du lecteur, il lira sans impression ces pages brûlantes, où le cœur se livre tout entier à l’amour, sans crainte comme sans remords ? Ah ! bientôt le crime ne sera plus qu’une faiblesse pardonnable, et il finira peut-être par devenir an acte de vertu aussi beau pour le lecteur que pour le héros.

L’homme véritablement sage surveille toutes ses lectures ; il repousse tout écrit dont le sujet principal est l’amour ; il ne se permet pas de lire ces romans licencieux, que tant de jeunes gens dévorent ; il repousse de sa maison ces journaux qui jettent un appât à la corruption pour attirer des lecteurs. Le roman feuilleton est une grande plaie sociale. Notre siècle passe par une bien rude épreuve ! Peut on être surpris que le vice impur ait poussé des racines profondes dans notre société ; puisque la nourriture jetée tous les matins à ceux qui veulent la recueillir est remplie du poison le plus subtil ?

IV. Des regards considérés comme source d’impureté, et des remèdes à leur appliquer.

IV. L’œil de l’homme est appelé à juste titre la porte de l’âme. C’est par lui qu’elle reçoit les plus vives impressions. Ils savaient ce que peuvent produire les regards, ces anciens peuples de l’Egyple, qui, l’œil fixé sur les objets les plus indécents cherchaient la satisfaction de leurs sens. Qui est-ce qui n’a éprouvé ce que peuvent produire des regards imprudents ? Un coup d’œil jeté sur un tableau, sur une gravure où la nature est seulement couverte d’un voile léger, laisse un libre cours à l’imagination, trouble, émeut les âmes innocentes ; elles ont besoin de détourner leurs yeux. Le libertin seul éprouve du plaisir ; s’il demeure froid et indifférent, il a depuis longtemps perdu la pureté de ses mœurs la satiété le rend insensible.

L’homme vertueux veille sans cesse sur ses regards ; jamais son œil ne porte sur lui cette indécente curiosité, qui est le symbole d’une âme impure. Il étend à tout ce qui l’environne le soin qu’il apporte sur sa personne : les tableaux de son salon sont des modèles de décence ; les gravures de ses livres sont couvertes du voile de ta pudeur ; sa femme, ses enfants, ses domestiques, emploient dans leur tenue tout le soin et la modestie qu’il y apporte lui-même ; il ne tolère aucune mode, si elle n’est conforme à la


plus sévère décence ; sa société est toujours une société distinguée, autant par ses bonnes mœurs que par ses bonnes manières ; son salon demeure fermé à l’immodestie. S’il se rencontre avec une de ces coquettes dont la mise affectée laisse trop apercevoir l’intention, il détourne le regard, et lui donne, si la prudence le permet, un conseil commandé par la charité.

V. Des actions contraires à la pureté, et des remèdes qu’on doit leur appliquer.

15. On n’attend pas de nous que nous entrions dans le détail de toutes les actions contraires à la pudeur. La liste des impudicités est trop longue, les excès auxquels on se laisse entraîner sont trop horribles, pour que nous pénétrions dans toute la profondeur du vice. Nous nous bornerons à quelques considérations qui seront suffisantes pour exciter l’horreur que ces péchés méritent, et pour éveiller la conscience de tous ceux qui pourraient s’engager témérairement dans cette funeste voie. Nous parlerons d’abord de l’impureté solaire ; nous traiterons ensuite des péchés commis entre différentes personnes.

§ 1. Des impuretés solitaires.

La question que nous abordons est une des plus délicates de la théologie morale. Peindre ces actes d’impureté solitaire, qui ont une si funeste influence sur l’homme tout entier, qu’ils rendent pâle, efféminé, engourdi, lâche, paresseux, stupide et même imbécille, c’est quelquefois un danger, il faut cependant avertir l’enfance et la jeunesse du péril qu’elles courent.

A l’âge de la puberté, tout semble entraîner les jeunes gens sur la pente fatale du vice impur ; l’imagination est vive, le cœur tendre, l’âme ardente ; les passions font par leur nouveauté les plus vives impressions. Tout se réunit pour inspirer au jeune homme le désir de se livrer au plaisir, de courir après la jouissance. Celui qui veut persévérer dans la vertu doit donc s’attendre à un combat acharné et de tous les instants. Ames vertueuses, ne soyez point épouvantées à la vue des combats qu’il faut livrer ! Consolez-vous : Dieu ne vous défend pas d’être combattues ; il vous défend de vous laisser vaincre. Il ne dépend pas de vous de ne pas avoir de passion mais avec la grâce de Dieu, il dépend de vous de régner sur elles. Si vous avez le courage des saints, si comme eux vous recourez à la pénitence et à la macération de la chair, au jeune, à la vigilance continuelle, la victoire est à vous. Vos tentations, loin d’être pour vous une cause de punition, seront une source de gloire. Cessez de vous affliger de vos combats intérieurs, ils seront les trophées de votre triomphe.

Nous devons aussi parler à ces âmes qui sentent l’horreur du vice, qui sont touchées des charmes de la vertu, et qui se laissent cependant subjuguer par une habitude qu’elles méprisent. Elles voudraient briser leurs chaînes, se délivrer d’un honteux esclavage, leurs