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Page:Migne - Encyclopédie théologique - Tome 49.djvu/7

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11 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES 12

âge et promettait de devenir un grand dessinateur imaginez-vous que, tout jeune qu’il semblait (deux ans et demi), il faisait des esquisses hardies ; il commençait même à ombrer. Il dessinait les portraits de Louis XV, de Georges III d’Angleterre et de la reine Charlotte sa femme et faisait de petits amours. Il tenait ses dessins très-propres, et s’il venait à tomber dessus quelques grains de poussière de crayon, il ne manquait pas de la souffler. Le troisième phénomène de cette intéressante famille, mademoiselle Henriette Droz, jeune personne de sept à huit ans, sœur du dessinateur, était une organiste qui mettait dans son jeu beaucoup d’aplomb. Elle n’improvisait pas si jeune ! Quoiqu’elle sût par cœur différents morceaux, elle aimait cependant à les avoir sous les yeux et à suivre la musique pour les exécuter avec plus de précision. L’expression avec laquelle elle jouait communiquait à ses sens une agitation remarquable. Quand les applaudissements venaient à la fin couronner son beau talent musical, elle se levait modestement et saluait l’assemblée. Quelques critiques trouvaient sa musique peu piquante de nouveauté, car parmi les morceaux exécutés par elle, on reconnaissait des motifs tirés du menuet de Fischer, et l’air tant soit peu suranné de la Garde passe ; mais ce qui explique cette circonstance particulière, c’est que la jeune personne avait appris ces airs lorsqu’ils étaient nouveaux, c’est-à-dire il y avait quelque soixante ans. Le lecteur devine qu’il s’agit ici de trois androïdes. Ce sont ceux de deux célèbres mécaniciens suisses, Pierre et Henri Droz.

Pierre-Jacques Droz, disent les biographes, naquit à la Chaux-de-Fonds, dans le comté de Neufchâtel, en 1721. Ses études achevées, il revint sous le toit paternel, et là, trouvant une de ses sœurs occupée d’horlogerie, il prit du goût pour la mécanique, et se fit bientôt dans cet art une réputation européenne par ses travaux ingénieux. Quelques-uns de ses ouvrages pénétrèrent même jusqu’en Chine. Il est auteur du petit écrivain automate. Son fils, Henri-Louis, né en 1752, devint aussi bientôt, sous ses yeux, un habile mécanicien. A l’âge de 23 ans, il vint à Paris, et exposa, aux yeux de la cour et de la ville émerveillées son dessinateur et sa jeune organiste. Droz le père mourut à Bienne (Suisse), l’an 1790, et son fils, l’année suivante, à Naples. Depuis lors, leurs androïdes sont passés en différentes mains. « J’avoue, dit un écrivain qui les a visités, que si j’ai été émerveillé de l’effet produit par ces machines ingénieuses, je le fus bien davantage à la vue de la multitude de rouages de toutes les dimensions, de mouvements de toutes les vitesses de leviers de toutes les formes, agissant dans toutes les directions et tout cela mû par un principe unique, la rotation régulière du cylindre à ressort, et aboutissant à un point unique, le doigt du dessinateur ou de l’écrivain car c’est là le mouvement principalement remarquable. Rien n’égale la simplicité avec laquelle on communique à l’écrivain les phrases qu’on veut lui dicter ; car on conçoit qu’il ne les écrit pas à la simple audition. (Autrefois il écrivait bien de lui-même quelques phrases, mais le cylindre qui les contenait a été brisé et n’a pu être encore remplacé.)

« Au centre de la machine est un cadran, c’est pour ainsi dire le cerveau où aboutissent toutes les sensations de l’androïde, et d’où partent les esprits vitaux qui portent l’impulsion à ses membres. Autour de ce cadran sont écrites toutes les lettres de l’alphabet, et vous n’avez qu’à porter successivement l’aiguille du cadran sur toutes les lettres que vous voulez faire écrire, et l’automate exprime fidèlement votre pensée. Quelle infinité de calculs n’a-t-il pas fallu à l’auteur pour arriver à une si admirable simplicité Je ne conçois pas comment des machines si ingénieuses, destinées à immortaliser le génie de l’homme, ne sont pas acquises par les gouvernements, et précieusement conservées dans les musées nationaux. »

« La fameuse statue de Memnon peut passer, dit un autre écrivain, pour le plus ancien des automates musiciens. Tout le monde sait que cette figure colossale faisait entendre quelques sons lorsqu’elle était frappée des premiers rayons du soleil levant. Des inscriptions latines et grecques attestent qu’au m* siècle de notre ère le phénomène se produisait encore. Plusieurs écrivains ont révoqué en doute l’existence de ce fait ; d’autres ont cherché à l’expliquer par le moyen de mécaniques de leur invention. Ces derniers nous semblent être plutôt dans le vrai Les Égyptiens étaient assez habiles dans les arts manuels pour inventer une machine capable de produire un pareil résultat. « On trouve dans le moyen âge plusieurs automates exécutant différentes fonctions. Le plus célèbre est celui d’Albert le Grand. Les conteurs crédules assurent qu’il lui servait d’oracle et lui expliquait les mystères des choses. De plus, ce personnage mécanique allait ouvrir la porte de la cellule d’Albert lorsqu’on y venait frapper, et adressait des paroles distinctes à la personne qui entrait.

« Des auteurs qui ont parlé de l’automate d’Albert le Grand disent que cet homme célèbre y travailla trente ans sans relâche, se réglant pour ses opérations sur la marche des constellations. Ainsi, lorsque le soleil se trouvait à un certain signe du zodiaque, il fit un mélange de métaux marqués de l’image de ce signe pour en former une partie quelconque du corps ; puis, quand chaque membre fut terminé séparément, il réunit le tout en une figure entière à laquelle il donna la vie. Saint Thomas d’Aquin, son disciple, aurait brisé la statue à cause de l’ennui que fui causait son bavardage. Barthélemi Sibille assure qu’elle était composée de chair et d’os, mais par art, non par nature. Naudé le réfute et suppose que l’androïde d’Albert le Grand (androïde et automate sont une