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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

on lui annonçait les secours prochains de la coalition. L’Autriche devait faire filer trente-cinq mille hommes sur la frontière de Flandre, les Cercles quinze mille sur l’Alsace, les Suisses quinze mille sur la frontière du Lyonnais, le roi de Sardaigne quinze mille sur celle du Dauphiné ; l’Espagne devait porter à vingt mille son armée de Catalogne ; la Prusse était bien disposée en faveur de la coalition ; le roi d’Angleterre devait en faire partie, comme électeur de Hanovre. Toutes ces troupes s’ébranleraient en même temps à la fin de juillet, alors la maison de Bourbon ferait une protestation, les puissances publieraient un manifeste ; mais jusque là, il importait de tenir ce dessein secret, d’éviter toute insurrection partielle, et de ne faire aucune tentative de fuite. Tel était le résultat des conférences de Mantoue, du 20 mai 1791.

Louis XVI, soit qu’il ne voulût pas se mettre entièrement à la merci de l’étranger, soit qu’il craignît l’ascendant que le comte d’Artois, s’il revenait à la tête de l’émigration victorieuse, prendrait sur le gouvernement qu’il aurait établi, aima mieux relever la monarchie tout seul. Il avait dans le général Bouillé un partisan dévoué et habile, qui condamnait à la fois l’émigration et l’assemblée, et qui lui promettait un refuge et un appui dans son armée. Depuis quelque temps une correspondance secrète avait lieu entre lui et le roi : Bouillé préparait tout pour le recevoir. Sous prétexte d’un mouvement de troupes ennemies sur la frontière, il établit un camp à Montmédy : il plaça des détachements sur la route que devait suivre le roi pour lui servir d’escorte : et comme il fallait un motif à ses dispositions, il prit celui de protéger la caisse destinée au paiement des troupes.

De son côté, la famille royale fit en secret tous les préparatifs du départ ; peu de personnes en furent instruites, aucune démarche ne le trahit. Louis XVI et la reine affectèrent au contraire tout ce qui pouvait en éloigner le soupçon, et le 20 juin dans la nuit, au moment fixé pour le départ, ils quittèrent le château un à un et déguisés. Ils échappèrent à la surveillance des gardes, se rendirent sur le boulevard où une voi-