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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

ture les attendait, et se mirent en route dans la direction de Châlons et de Montmédy.

Le lendemain, à la nouvelle de cette évasion, Paris fut d’abord saisi de stupeur ; bientôt l’indignation prit le dessus, des groupes se formaient, le tumulte allait en croissant. Ceux qui n’avaient pas empêché la fuite étaient accusés de l’avoir favorisée ; la défiance n’épargnait ni Lafayette, ni Bailly. On voyait dans cet événement l’invasion de la France, le triomphe de l’émigration, le retour de l’ancien régime, ou bien une longue guerre civile. Mais la conduite de l’assemblée redonna bientôt du calme et de la sécurité aux esprits. Elle prit toutes les mesures qu’exigeait une conjoncture si difficile ; elle manda à sa barre les ministres et les autorités, calma le peuple par une proclamation, fit prendre des précautions propres à maintenir la tranquillité publique, s’empara du pouvoir exécutif, chargea le ministre des relations extérieures, Montmorin, de faire part aux puissances de l’Europe de ses intentions pacifiques, envoya des commissaires aux troupes pour s’assurer d’elles, et recevoir leur serment, non plus au nom du roi, mais au sien ; enfin elle fit partir pour les départements l’ordre d’arrêter quiconque sortirait du royaume. « Ainsi en moins de quatre heures, dit le marquis de Ferrières, l’assemblée se vit investie de tous les pouvoirs ; le gouvernement marcha, la tranquillité publique n’éprouva pas le moindre choc ; et Paris et la France apprirent par cette expérience devenue si funeste à la royauté, que presque toujours le monarque est étranger au gouvernement qui existe sous son nom. »

Cependant Louis XVI et sa famille approchaient du terme de leur voyage. Le succès des premières journées, l’éloignement de Paris, rendirent le roi moins réservé et plus confiant ; il eut l’imprudence de se montrer, il fut reconnu et arrêté à Varennes, le 21. Dans un instant, toutes les gardes nationales furent sur pied ; les officiers de détachements postés par Bouillé, voulurent vainement délivrer le roi ; les dragons et les hussards craignirent ou refusèrent de les seconder. Bouillé, averti de ce funeste accident, accourut lui-même à la