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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

puissante, et qui devenaient périlleuses au moment où l’émigration la menaçait d’un côté et la multitude de l’autre. Mirabeau n’était plus ; le centre, sur lequel s’appuyait cet homme puissant, et qui formait la portion la moins ambitieuse de l’assemblée et la plus attachée aux principes, pouvait, en étant réuni aux Lameth, rétablir Louis XVI et la monarchie constitutionnelle, et s’opposer aux débordements populaires.

Cette alliance s’opéra : les Lameth s’entendirent avec d’André et les principaux membres du centre, s’abouchèrent avec la cour, et ouvrirent le club des Feuillants pour l’opposer à celui des Jacobins. Mais ceux-ci ne pouvaient pas manquer de chefs : ils avaient combattu sous Mirabeau contre les Lameth, sous les Lameth contre Mirabeau ; ils combattirent sous Pétion et Robespierre contre les Lameth. Le parti qui voulait une seconde révolution avait constamment soutenu les acteurs les plus extrêmes de la révolution déjà faite, parce que c’était rapprocher de lui la lutte et la victoire. Enfin aujourd’hui, de subordonné il devenait indépendant ; il ne combattait plus en faveur d’autrui et pour le compte d’une opinion étrangère, mais pour lui et sous sa propre bannière. La cour, par ses fautes multipliées, par ses machinations imprudentes, et en dernier lieu par la fuite du monarque, lui avait permis d’avouer son but ; et les Lameth, en l’abandonnant, l’avaient laissé à ses véritables chefs.

Les Lameth essuyèrent à leur tour les reproches de la multitude, qui ne voyait que leur alliance avec la cour, sans en examiner les conditions. Mais, soutenus de tous les constitutionnels, ils étaient les plus forts dans l’assemblée, et il leur importait de rétablir au plus tôt le roi, afin de faire cesser une controverse qui menaçait l’ordre nouveau, en autorisant le parti républicain à demander la déchéance tant que durerait la suspension. Les commissaires chargés d’interroger Louis XVI lui dictèrent eux-mêmes une déclaration qu’ils présentèrent en son nom à l’assemblée, et qui adoucit le mauvais effet de sa fuite. Le rapporteur déclara, au nom des sept comités chargés de l’examen de cette grande question, qu’il n’y avait