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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

pas lieu de mettre Louis XVI en jugement, ni à prononcer contre lui la déchéance. La discussion qui suivit ce rapport fut longue et animée ; les efforts du parti républicain, malgré leur opiniâtreté, furent sans résultat. La plupart de leurs orateurs parlèrent : ils voulaient la déposition, ou une régence, c’est-à-dire le gouvernement populaire ou un acheminement vers lui. Barnave, après avoir combattu tous leurs moyens, finit son discours par ces remarquables paroles : « Régénérateurs de l’empire, suivez invariablement votre ligne. Vous avez montré que vous aviez le courage de détruire les abus de la puissance ; vous avez montré que vous aviez tout ce qu’il faut pour mettre à la place de sages et d’heureuses institutions : prouvez que vous avez la sagesse de les protéger et de les maintenir. La nation vient de donner une grande preuve de force et de courage ; elle a solennellement mis au jour, et par un mouvement spontané, tout ce qu’elle pouvait opposer aux attaques dont on la menaçait. Continuez les mêmes précautions ; que nos limites, que nos frontières soient puissamment défendues. Mais au moment où nous manifestons notre puissance, prouvons aussi notre modération ; présentons la paix au monde inquiet des événements qui se passent au milieu de nous : présentons une occasion de triomphe à tous ceux qui, dans les pays étrangers, ont pris intérêt à notre révolution ! Ils nous crient de toutes parts : Vous êtes puissants, soyez sages, soyez modérés ; c’est là que sera le terme de votre gloire ; c’est ainsi que vous montrerez que, dans des circonstances diverses, vous savez employer des talents, des moyens et des vertus diverses. »

L’assemblée se rangea de l’avis de Barnave. Mais pour calmer le peuple, et afin de pourvoir à la sécurité de la France pour l’avenir, elle décréta que le roi aurait de fait abdiqué la couronne, s’il rétractait son serment à la constitution après l’avoir prêté, s’il se mettait à la tête d’une armée pour faire la guerre à la nation, ou s’il souffrait que quelqu’un la fit en son nom ; qu’alors, redevenu simple citoyen, il cesserait d’être