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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

inviolable, et pourrait être accusé pour les actes postérieurs à son abdication.

Le jour où ce décret fut adopté par l’assemblée, les chefs du parti républicain excitèrent la multitude. Mais le lieu des séances était entouré par la garde nationale, et l’assemblée ne put être ni envahie ni intimidée. Les agitateurs n’ayant pas pu empêcher le décret, insurgèrent le peuple contre lui. Ils firent une pétition, dans laquelle ils méconnaissaient la compétence de l’assemblée, en appelaient à la souveraineté de la nation, considéraient Louis XVI comme déchu depuis qu’il s’était évadé, et demandaient son remplacement. Cette pétition, rédigée par Brissot, auteur du Patriote français, et président du comité des recherches de la ville de Paris, fut portée le 17 juillet au Champ-de-Mars, sur l’autel de la patrie : une foule immense vint la signer. L’assemblée avertie manda la municipalité à sa barre, et lui enjoignit de veiller à la tranquillité publique. Lafayette marcha contre l’attroupement, et parvint à le dissiper une première fois sans effusion de sang. Les officiers municipaux s’établirent aux Invalides ; mais, dans le même jour, la multitude revint en plus grand nombre, et avec plus de détermination. Danton et Camille-Desmoulins la haranguèrent sur l’autel même de la patrie. Deux invalides qu’on prit pour des espions furent massacrés, et leurs têtes furent placées sur des piques. L’insurrection devenait alarmante ; Lafayette se transporta de nouveau au Champ-de-Mars à la tête de douze cents gardes nationaux. Bailly l’accompagna, et fit déployer le drapeau rouge. On adressa alors à la multitude les sommations exigées par la loi, mais elle refusa de se retirer, et, méconnaissant l’autorité, elle cria : À bas le drapeau rouge ! et assaillit de coups de pierres la garde nationale. Lafayette fit tirer les siens, mais en l’air ; la multitude ne fut point intimidée et recommença ; alors, contraint par l’obstination des insurgés, Lafayette ordonna une nouvelle décharge, mais celle-ci fut réelle et meurtrière. La multitude effrayée prit la fuite, laissant nombre de morts sur le champ de la fédération ; le trouble cessa, l’ordre fut rétabli ; mais le sang