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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

avait coulé, et le peuple ne pardonna ni à Lafayette ni à Bailly la dure nécessité à laquelle il les avait contraints. C’était un véritable combat dans lequel le parti républicain, qui n’était ni assez fort encore ni assez soutenu, fut défait par le parti monarchique constitutionnel. La tentative du Champ-de-Mars fut le prélude des mouvements populaires qui aboutirent au 10 août.

Pendant que ceci se passait dans l’assemblée et dans Paris, les émigrés, que la fuite de Louis XVI avait remplis d’espérance, furent consternés de son arrestation. Monsieur, qui s’était évadé en même temps que son frère et qui avait été plus heureux que lui, arriva seul à Bruxelles avec les pouvoirs et le titre de régent. Les émigrés ne pensèrent dès lors plus qu’à l’assistance de l’Europe ; les officiers quittèrent leurs drapeaux ; deux cent quatre-vingt-dix membres de l’assemblée protestèrent contre ses décrets, afin de légitimer l’invasion ; Bouillé écrivit une lettre menaçante dans l’espoir inconcevable d’intimider l’assemblée, et en même temps pour se charger seul de la responsabilité de l’évasion de Louis XVI ; enfin, l’empereur, le roi de Prusse et le comte d’Artois se réunirent à Pilnitz, où ils firent la fameuse déclaration du 27 août, qui préparait l’invasion de la France, et qui, au lieu d’améliorer le sort du roi, l’aurait compromis, si l’assemblée toujours sage n’eût pas suivi ses desseins, malgré les menaces de la multitude et celles de l’étranger.

Dans la déclaration de Pilnitz, les souverains considéraient la cause de Louis XVI comme la leur. Ils exigeaient qu’il fût libre de se porter où il voudrait, c’est-à-dire au milieu d’eux ; qu’on le remît sur son trône, que l’assemblée fût dissoute, et que les princes de l’empire possessionnés en Alsace fussent rétablis dans leurs droits féodaux. En cas de refus, ils menaçaient la France d’une guerre à laquelle devaient concourir toutes les puissances qui s’étaient garanti la monarchie française. Cette déclaration irrita l’assemblée et le peuple, loin de les abattre. On se demanda de quel droit les princes de l’Europe intervenaient dans notre gouvernement ; de quel droit ils don-