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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

naient des ordres à un grand peuple, et lui imposaient des conditions ; et puisque les souverains en appelaient à la force, on se prépara à la résistance. Les frontières furent mises en état de défense, cent mille hommes de garde nationale furent levés, et l’on attendit avec assurance les attaques de l’ennemi, bien convaincu que le peuple français serait invincible en révolution et chez lui.

Cependant l’assemblée touchait au terme de ses travaux : les rapports civils, les contributions publiques, la nature des crimes, leur poursuite, leur instruction et leurs peines avaient été aussi sagement réglés que les rapports généraux et constitutionnels. L’égalité avait été introduite dans les successions, dans les impôts et dans les peines ; il ne restait plus qu’à réunir tous les décrets constitutionnels en un seul corps pour les soumettre à l’acceptation du roi. L’assemblée commençait à se fatiguer de ses travaux et de ses divisions ; le peuple lui-même, qui s’ennuie en France de ce qui dure trop, désirait une nouvelle représentation nationale ; la convocation des collèges électoraux fut désignée pour le 5 août. Malheureusement les membres de l’assemblée actuelle ne pouvaient pas faire partie de la suivante ; on l’avait ainsi décidé avant le départ de Varennes. Dans cette question importante, le désintéressement des uns, les rivalités des autres, des intentions d’anarchie de la part des aristocrates et de domination de la part des républicains, avaient entraîné l’assemblée. Vainement Duport avait dit : « Depuis qu’on nous rassasie de principes, comment ne s’est-on pas avisé que la stabilité est aussi un principe de gouvernement ! Veut-on exposer la France, dont les têtes sont si ardentes et si mobiles, à voir arriver tous les deux ans une révolution dans les lois et dans les opinions ? » C’est ce que voulaient les privilégiés et les jacobins, quoique avec des buts différents. Dans toutes les matières semblables, l’assemblée constituante se trompa ou fut dominée : lorsqu’il s’agit du ministère, elle décida, contre Mirabeau, qu’aucun député ne pourrait l’occuper ; lorsqu’il s’agit de la réélection, elle décida, contre ses propres membres, qu’elle ne pourrait avoir